Intervention de Louis Gallois

Réunion du lundi 18 septembre 2023 à 14h00
Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

Louis Gallois, ancien président de la SNCF :

Aucune parole n'a jamais remis en cause le soutien apporté par le Gouvernement au fret ferroviaire. Je me souviens des projets de lettre de mission que j'adressais à M. Francis Mer, ministre des finances, et qu'il me renvoyait corrigés : le redressement du fret y avait toute sa part. Mais cela ne s'est pas traduit par des espèces sonnantes et trébuchantes significatives. Ce n'était d'ailleurs pas facile car nous commencions à être dans le collimateur de Bruxelles au sujet des aides : avant même l'ouverture à la concurrence, dans le cadre de la concurrence avec la route, la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) et d'autres organisations professionnelles scrutaient les aides reçues par Fret SNCF. En résumé, je n'ai pas le sentiment que nous ayons reçu un soutien financier important, même si je n'ai jamais été brimé dans les actions que nous pouvions mener pour essayer de redresser le fret par une intervention publique.

S'agissant du plan Véron, ce n'est pas nous qui discutions avec la Commission européenne, mais l'État. Je n'ai pas eu de contacts formels avec Bruxelles à ce sujet. Je considère d'ailleurs qu'il était sain qu'il n'y ait qu'un seul interlocuteur. Nous demandions l'allègement du poids de la dette. Nous avions bénéficié d'un premier allègement en 1997, puis d'un autre beaucoup plus important par la suite mais, quelque astuce que l'on puisse présenter, la dette reprise était toujours susceptible d'être requalifiée en dette d'État à Bruxelles. Vous me rappelez, car je l'avais oublié, que nous avions proposé de passer par le SAAD. Je ne voudrais pas être sévère avec moi-même, mais c'était osé ! Cela n'avait pas beaucoup de chance de passer.

Vous avez raison de rappeler qu'en 2003, le fret allait mal. Il s'est un peu redressé par la suite, mais pas de manière significative.

Je n'ai pas de souvenir très précis s'agissant de la part du fret dans le projet industriel de la SNCF, mais il est évident que celui-ci comportait un volet consacré au fret. Eu égard au fonctionnement de la SNCF, il aurait été impossible qu'il n'y en ait pas. Nous avions déjà en tête, même si nous ne le disions pas, qu'il fallait que le fret se prépare à une concurrence intramodale. La concurrence intermodale était néanmoins le sujet majeur, et elle continue à l'être, la concurrence intramodale étant moins déséquilibrée. Quant à la gestion par activités, c'était une orientation de bon sens : chaque activité doit se gérer, ce qui n'empêche pas des péréquations entre activités. Le TGV a ainsi payé les trains Intercités, et peut-être un peu le fret, même si nous étions soumis au contrôle de la Commission de Bruxelles. Le TER est, quant à lui, équilibré par les conventions conclues avec les régions.

Comment rééquilibrer le trafic entre le rail et la route ? Je n'ai pas de réponse à cette question. Puisqu'on ne peut transformer complètement le transport ferroviaire, il faut s'attaquer au trafic routier. Je croyais que cet objectif dépassait largement la concurrence entre le chemin de fer et la route, et qu'il touchait à la transition énergétique. Veut-on continuer à développer un trafic routier essentiellement constitué de camions roulant au gazole ? Je n'exclus pas le passage des camions à l'électrique ; il est même possible que la solution hydrogène, au sujet de laquelle j'émets des doutes s'agissant de l'automobile, soit adaptée aux camions. Quoi qu'il en soit, le trafic routier n'est, pour le moment, absolument pas pénétré par l'électricité ou l'hydrogène – il fonctionne entièrement avec des énergies fossiles. Il faut en tenir compte. Je me pose aussi la question de la gratuité de la circulation sur une partie du réseau. L'écotaxe avait un sens. Je ne méconnais pas la difficulté de la faire accepter – je me rappelle l'épisode des « bonnets rouges », et on a encore vu récemment les acteurs routiers réagir vivement à l'annonce d'une éventuelle remise en cause du privilège fiscal dont bénéficie le gazole –, mais il faudra passer par là.

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