Intervention de Jean-Pierre Farandou

Réunion du lundi 18 septembre 2023 à 14h00
Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

Jean-Pierre Farandou, président-directeur général de la SNCF :

Je n'ai pas le souvenir d'avoir formellement reçu une lettre de mission. J'ai été nommé pour appliquer la réforme. Sa mise en œuvre était prévue au 1er janvier 2020 et j'ai été recruté fin octobre 2019. Je ne peux pas dire que je ne connaissais pas le contexte.

À l'époque, le fret n'était pas un sujet majeur. Il n'était pas tellement abordé dans la réforme. En prenant mes fonctions, je n'avais pas le sentiment qu'il constituait une priorité. Des discussions ont toutefois été engagées assez rapidement avec Matignon, qui suivait les questions ferroviaires, puis le covid est arrivé, mais ma position a été constante depuis quatre ans. J'ai toujours considéré qu'il fallait « sauver le soldat fret ». Dans un contexte de transition écologique, la SNCF ne peut pas se passer de cette activité, même si celle-ci doit évoluer et se moderniser.

Je n'ai pas d'écrits s'agissant de mes échanges avec le Gouvernement. Il faut distinguer deux phases. Dans un premier temps, l'objectif était d'éviter l'ouverture d'une procédure, parce qu'il est difficile de revenir en arrière une fois qu'elle est lancée et que les conséquences peuvent être désastreuses. Des arguments juridiques et politiques ont été mis en avant. Nous avons insisté sur les avancées permises par la réforme. Nous avons tout mis en œuvre pour lever les plaintes, puisque la Commission européenne semblait expliquer sa dureté par l'existence de ces dernières. Elle n'a jamais établi ce lien explicitement mais nous pensions que si les plaintes étaient abandonnées, elle deviendrait plus conciliante.

La situation s'est compliquée à partir de l'automne, pour des raisons que j'ignore. Je n'ai pas réussi à identifier la cause du durcissement de la Commission. L'ouverture de la procédure a changé la donne. Nous ne pouvons pas prendre le risque de faire trancher ce litige par la Cour de justice. Il faut accepter la discontinuité et la mettre en place de la manière la plus propre possible.

Je n'ai jamais assisté aux réunions entre le ministre et la Commission européenne. Je ne sais pas ce qu'il a pu dire, même si nous préparions ces rencontres en interne au sein de la SNCF, puis avec le Gouvernement et le SGAE. J'ai, en revanche, participé à des réunions techniques, surtout à partir de l'automne, quand la situation s'est dégradée. J'ai réexpliqué nos arguments et j'ai pu mesurer la dureté des fonctionnaires européens.

S'agissant de l'existence d'une alternative au plan de discontinuité, je peux vous donner mon sentiment de citoyen plus que d'expert : un cap a probablement été franchi. Quels pourraient être les arguments susceptibles de faire revenir en arrière la Commission européenne ? À ma connaissance, il n'existe pas de précédent. Nous prendrions un grand risque en attendant qu'elle rende ses conclusions fin 2024.

Pour les vingt-trois flux qui seront cédés, nous avons annoncé à nos clients que nous ne serons plus capables de les opérer à l'avenir et nous les incitons à trouver une autre solution. Celle-ci peut passer par d'autres acteurs, mais, comme le montre votre exemple, il arrive que la traction donne lieu à de la sous-traitance. Cette pratique existe déjà dans la profession quand l'entreprise qui détient le contrat ne peut pas réaliser la prestation. Nous pourrions envisager de fonctionner ainsi pendant un certain temps. Évidemment, si la situation était amenée à perdurer, le schéma serait peut-être à reconsidérer. Ce serait à l'État de prendre la décision de demander une dérogation à la Commission européenne. Une dérogation a toutefois vocation à rester exceptionnelle. Elle devrait donc être temporaire et ne concerner que des flux considérés comme absolument vitaux.

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