Intervention de Nicolas Turquois

Réunion du jeudi 7 septembre 2023 à 9h10
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Turquois :

Globalement, je ne suis pas en phase avec vos présentations. D'abord, je souhaiterais apporter une nuance sémantique. Vous avez dit que l'on fabrique en France des produits phytosanitaires qui y sont interdits et qui sont utilisés dans d'autres pays. Or il y a plusieurs raisons à ces interdictions. Soit les produits sont classifiés comme phytotoxiques, et il faut alors ne pas pouvoir les produire ; soit leur renouvellement n'est pas demandé car de meilleurs produits existent sur le marché ; soit ils servent à lutter contre des ravageurs qui n'existent pas en France ou en Europe – dans ce cas, la raison de cette absence d'autorisation est tout simplement qu'elle n'a pas été sollicitée.

Vous avez évoqué la possibilité de changer tout le système, de l'amont de la fourche à l'aval de la fourchette. Tout changer pour parvenir à changer, c'est la garantie que l'on n'y arrivera pas. En tant qu'agriculteur, je suis persuadé que des choses sont possibles. Mais on change d'abord parce que l'on apprend qu'il est possible de changer et que l'on y a intérêt ; ensuite, parce que la marche pour y parvenir semble accessible.

Revenons aux betteraves qui, polygermes, nécessitent d'être éclaircies manuellement. Dans ma région de polyculture-élevage, la betterave fourragère a été abandonnée en quelques années car sa culture était trop compliquée et difficile, physiquement : le maïs l'a remplacée. Si l'on se questionne sur ce qui poussera les agriculteurs à changer, on obtiendra des résultats. Mais aucune contrainte extérieure, comme le Nodu national, ne permettra d'aboutir à un tel changement.

De même, on peut se demander pourquoi les conversions au bio ne sont pas plus nombreuses, voire pourquoi, comme cette année, les déconversions sont aussi massives. La conversion est très difficile sur le plan agronomique, car il faut maîtriser de nombreuses techniques. De surcroît, la production bio reste variable : si l'on peut bien gagner sa vie certaines années, on peut aussi connaître un épisode de mildiou, par exemple. On doit donc s'interroger sur le caractère accessible et suffisamment stable du bio.

Je suis persuadé qu'une démarche volontariste et double est nécessaire pour réduire les produits phytosanitaires : il faut rechercher des solutions et offrir des formations aux agriculteurs, qui en manquent. Descendus du tracteur, certains collègues ont du mal à identifier une maladie ou un ravageur et peuvent effectuer des traitements qui ne sont pas indispensables. Les solutions existent ; il faut les chercher, filière par filière. Alors, naturellement, le Nodu diminuera.

Dans le Centre-Ouest de la France, la culture du tournesol a apporté de la diversité et favorisé les insectes pollinisateurs. Elle est pourtant en train de s'écrouler, après la suppression d'un produit qui, placé sur les graines, avait un effet répulsif pour les oiseaux – il présentait peut-être un problème que je ne conteste pas. À cause des pigeons, toutes les exploitations proches d'un clocher doivent abandonner cette culture intéressante car elles doivent semer les graines de tournesol trois fois pour la réussir ! Elle est remplacée par du colza, que l'on traite davantage, ou du maïs, qui nécessite plus d'eau et de produits.

Une approche filière par filière est nécessaire. Vous avez raison de dire qu'il faut également territorialiser car les maladies ou les ravageurs, donc les solutions, diffèrent d'un territoire à un autre, distant d'une centaine de kilomètres. Si l'on réfléchit ainsi, on parviendra à diminuer les produits phytosanitaires, ce que souhaitent tous mes collègues. Tout le monde l'a compris : chaque agriculteur qui ouvre un bidon se demande s'il ne joue pas avec sa santé ou avec l'environnement. Il faut des éléments accessibles, connus et réalisables.

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