Intervention de Claude Ronceray

Réunion du jeudi 7 septembre 2023 à 9h10
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Claude Ronceray, Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux :

Je n'oppose pas la PAC et le bio, qui sont des approches différentes et complémentaires. Le bio est une façon de produire et de distribuer bien identifiée et certifiée, avec des règles qui permettent à cette filière d'exister partout dans le territoire et à l'échelle européenne.

Les financements et les mécanismes de la PAC, qui est la boîte à outils, sont-ils suffisamment mobilisés pour encourager les bonnes pratiques et décourager celles qui le sont moins ? Personne n'a souhaité remettre en cause le soutien à la conversion, pendant les trois années qui permettent à un agriculteur d'obtenir la certification bio. Ces primes compensent les pertes de l'agriculteur, qui accepte d'introduire des contraintes permanentes, sans pouvoir valoriser ses produits comme s'ils étaient déjà bio. En revanche, l'aide au maintien n'a pas été pérennisée en France : certaines régions l'ont instaurée, d'autres l'ont abandonnée. Une réflexion doit être menée, non seulement sur le bio, mais aussi sur d'autres modes de production qui utilisent moins de produits phytopharmaceutiques.

La nouvelle PAC a élargi la palette des possibilités. La France a décidé de mobiliser presque tous ces outils pour encourager les bonnes pratiques. Encore faut-il que les différents décideurs utilisent ces possibilités.

D'autres contraintes, réglementaires, s'exercent. Certaines sont incluses dans le plan stratégique national : on ne pourra pas jouer dessus. Nous pensions que l'on pourrait durcir les conditionnalités, qui permettent de ne verser des financements qu'à condition que l'exploitation ou le produit respecte certaines conditions. Ce travail aurait pu être fait en amont du PSN. Celui-ci ayant été approuvé, il faut se donner rendez-vous lors de sa prochaine révision.

Pour ce qui concerne les marchés, plusieurs aspects sont à examiner, en particulier s'agissant du positionnement de la France : exporte-t-elle des matières premières ou des produits à forte valeur ajoutée ? À l'heure actuelle, nous sommes présents dans les deux activités, mais il faudra sans doute se demander si cela constitue notre positionnement stratégique sur le long terme ou s'il faudra faire porter nos efforts sur ce point.

Outre la question des contraintes se posent celles de la valeur et des apports pour le territoire. Nous estimons qu'il existe des marges de manœuvre. La France dispose d'un bon positionnement dans plusieurs secteurs avec des produits à assez forte valeur ajoutée. Ce modèle peut être performant à l'échelle européenne et internationale, et mérite d'être poursuivi, plutôt que de chercher à conquérir de nouveaux marchés. Ceux-ci seront en effet très tendus, car on voit arriver sur le marché mondial des producteurs qui ne respectent pas les contraintes environnementales que nous nous donnons.

Le rapport souligne aussi l'importance de la cohérence et de la réciprocité. Jusqu'à peu, on produisait en France des substances interdites à l'utilisation agricole domestique, que l'on exportait vers d'autres pays producteurs, lesquels les incorporaient dans leurs productions, que l'on importait ensuite. On doit s'efforcer d'imposer une plus grande cohérence. Des marges de manœuvre existent, notamment avec les clauses miroirs, qui offrent la possibilité, au fur et à mesure que se négocient les contrats commerciaux internationaux, de relever les exigences et de faire en sorte que le consommateur français ne supporte pas des résidus de pesticides interdits en France.

La question des externalités se pose dans tous les cas : une partie du bénéfice n'est pas réalisée. L'impact des pesticides est pour partie lié, non aux consommateurs, mais au lieu de production et à son environnement. Nous avons besoin d'une réflexion, notamment à l'échelle européenne, qui fasse progresser les dimensions agronomique et économique, mais aussi la réglementation sociale. Si l'on accepte que des travailleurs de certains pays s'exposent fortement à certains risques, on crée une concurrence illégitime, avec des conséquences fortes sur la santé humaine. Ce n'est pas l'internationalisation ou l'européanisation des marchés qui supprime les marges de manœuvre : sur certains sujets, la France peut prendre les devants. Elle le fait, avec raison. Par la suite, des rapports de force s'exercent, aux différentes échelles, grâce auxquels on peut parfois constater des avancées significatives.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion