Intervention de Clément Beaune

Réunion du mercredi 13 septembre 2023 à 14h30
Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

Clément Beaune, ministre délégué :

Fret SNCF a notifié, à la fin du mois de juillet, les chargeurs de sa clientèle d'une probable discontinuité, dans laquelle une nouvelle entreprise conserverait l'essentiel de l'activité. Nombre d'entre eux souhaitent rester clients de l'entreprise publique qui succédera à Fret SNCF. Un délai jusqu'à fin décembre 2023 a été évoqué pour assurer cette bascule ; il pourrait être prolongé sans risque juridique jusqu'au 30 juin 2024. Il y a urgence à donner de la visibilité aux chargeurs, qui la réclament. Si l'on attend le résultat de la procédure, la situation se dégradera. Dans le moins mauvais scénario, ils choisiront un autre acteur du fret ferroviaire, s'ils le peuvent ; dans le pire, ils opteront pour un autre mode de transport. Il est important de ne pas avoir de rupture et de donner vite une visibilité, tout en assurant le temps de la discussion interne à l'entreprise, de la réorganisation, pour que l'opérateur successeur de Fret SNCF soit en place. À ce stade, nous n'avons pas été alertés de mouvements de bascule vers d'autres modes de transport ou d'inquiétude majeure quant à l'existence d'une entreprise telle que Fret SNCF à l'avenir.

Au-delà des chargeurs, l'ensemble des opérateurs de fret, dont l'opérateur public, demandaient de longue date un plan d'investissement, que les représentants du secteur, Fret ferroviaire français du futur (4F), avaient chiffré à 3,5 milliards d'euros d'ici à la prochaine décennie. Nous avons plus que répondu à cette attente, en proposant la somme inédite de 4 milliards d'euros d'investissement, en plus des aides à l'exploitation, pérennisées et renforcées, notamment pour le triage.

Ces 4 milliards d'euros sont nécessairement partenariaux : l'État est prêt à en donner la moitié, soit quatre fois plus que dans la génération précédente de CPER. La négociation avec les présidents de région est en cours, mais l'appétence semble réelle. Dans tous les mandats de région concernés par des infrastructures de fret ferroviaire, la Première ministre et moi-même avons indiqué au préfet des enveloppes pour le fret ferroviaire. Deux régions sont particulièrement concernées, car elles accueillent des gares de triage très importantes. Le président Leroy de la région Grand Est est prêt à investir, ainsi que d'autres collectivités : 80 millions d'euros permettront de rénover entièrement la gare de Woippy, qui le mérite. L'autre gare de triage emblématique, celle de Miramas, fait déjà l'objet d'un plan d'investissement impliquant plusieurs collectivités – région, département, ville –, qui porte ses fruits : il sera poursuivi à hauteur de plus de 40 millions d'euros. L'État prendra sa part, en acquittant au moins la moitié de cet investissement.

Je crois à l'avenir de la gestion capacitaire, notamment aux trains mutualisés qui sont au cœur de l'activité. Ces wagons isolés sont essentiels dans le contexte du développement des exigences écologiques et de l'appétence croissante pour le fret ferroviaire sur le marché du transport de marchandises. Un acteur de référence de cette gestion capacitaire est indispensable : aujourd'hui, c'est Fret SNCF ; demain, cela devra rester un acteur du fret ferroviaire public. Pour ces raisons, nous réinvestissons dans l'infrastructure de triage, qui garantit un marché économique à la gestion capacitaire. Nous devrons aussi développer le transport combiné, sachant que Fret SNCF a développé depuis quelques années une capacité rail-route qui permet au rail de se développer puisque le dernier kilomètre peut être assuré par la route. Ces deux éléments me font croire à l'avenir économique du fret ferroviaire, avec un opérateur public en son centre.

S'agissant des comparaisons européennes, beaucoup semblent avoir des informations que même le gouvernement allemand ne détient pas. On sait qu'une procédure est ouverte à l'encontre de l'opérateur allemand : DB Cargo se voit reprocher des choses qui nous l'ont été en 2005, au moment où nous avons réorganisé le fret ferroviaire. La situation n'est donc pas comparable à celle de la France. Néanmoins, les Allemands discutent aussi avec les autorités européennes pour préserver leur opérateur. Je ne crois pas à cette fable de l'opposition selon laquelle la France se serait couchée devant les injonctions bruxelloises. Dans chacun des rendez-vous que j'ai eus, depuis de longs mois, pour défendre les intérêts de notre fret ferroviaire public, de notre entreprise ou de notre service public, je peux démontrer l'engagement et la sincérité du Gouvernement. Les autorités allemandes sont en train de discuter de types et de montants d'aides différents de ce qui est reproché aux autorités et à l'opérateur français.

Nous savons qu'il existe d'autres cas, aboutissant à des réflexions sur des solutions de discontinuité du même ordre. En Roumanie, par exemple, une procédure est également lancée à l'encontre de l'opérateur de fret ferroviaire.

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