Intervention de Philippe Lottiaux

Séance en hémicycle du mercredi 27 septembre 2023 à 21h30
Motion de rejet préalable (projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027) — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Lottiaux :

Théophile Gautier disait : « Il n'y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien. » Cette phrase confère à votre projet de loi un esthétisme inattendu.

En effet, à quoi nous sert donc cette loi non contraignante que vous nous présentez de nouveau, comme à un enfant puni le plat de la veille ? On nous donne comme principale justification principale le fait que de son adoption dépendrait le versement à la France des fonds européens relatifs au plan de relance, soit 19 voire 27 milliards d'euros – qui dit mieux ?

Vous en avez appelé à la concertation et au dialogue avec les oppositions. Dont acte. On ne peut certes que déplorer cette forme de chantage européen dans lequel vous vous êtes vous-mêmes engagés et qui illustre notre perte constante de souveraineté. Cela étant, l'intérêt national qui nous guide peut parfois conduire à dépasser certaines oppositions au moment d'un vote. Mais de dépassement, en commission comme en ce début de séance publique, il n'y en a pas eu de votre part. Des débats, nous retenons que vous persistez à faire de ce texte technique, qui devrait être amendé pour le rendre un tant soit peu acceptable, un programme politique intouchable. De même que vous n'avez pas répondu de manière véritablement argumentée aux questions posées par les oppositions sur le caractère impératif de l'adoption de ce texte, vous ne les avez pas non plus écoutées.

Rêvons donc, en cette heure nocturne, que de cette discussion jaillisse la lumière car, à ce stade, l'essentiel du texte consiste – je pense en particulier au rapport annexé – en un nouvel exercice d'autosatisfaction dont vous avez le secret. À vous lire, on pourrait croire que le monde entier nous envie notre situation budgétaire, notre déficit, notre dette, le poids de nos prélèvements obligatoires, notre pouvoir d'achat en berne et notre commerce extérieur à la dérive.

Rappelons également que les lois de programmation, à en croire le Haut Conseil des finances publiques, reposent « sur des hypothèses généralement optimistes et rapidement obsolètes » et que « leurs objectifs n'ont que rarement été atteints ». Le HCFP ajoute : « Depuis 2008, la situation des finances publiques françaises s'est ainsi nettement détériorée, contrairement aux objectifs affichés avec constance par les lois de programmation. »

Que les hypothèses soient optimistes, nous l'avions déjà constaté l'an dernier et, à l'instar de la quasi-totalité des institutions spécialisées, nous le constatons encore. Sans compter votre pari d'une contribution à la croissance du commerce extérieur qui laisse songeur, tout comme celui d'une baisse du taux d'épargne des ménages dans un contexte d'incertitude. J'ajoute que vous ne tenez pas compte de l'impact à venir de la crise du logement et, partant, du secteur du BTP – bâtiment et travaux publics –, qui arrive à grande vitesse et vous laisse sans véritable réaction.

Et que les hypothèses soient rapidement obsolètes, les nombreux changements que vous introduisez dans le présent texte en comparaison avec les chiffres fournis il y a quelques mois suffisent à nous en convaincre, validant la sentence de Pierre Dac pour qui « les prévisions sont difficiles, surtout quand elles concernent l'avenir ».

Malgré ce que je viens d'évoquer, votre trajectoire des finances publiques demeure peu ambitieuse. La plupart des économies attendues ne sont pas documentées et elles sont renvoyées à de futures revues de dépenses, alors même qu'il existe des sources d'économies évidentes, depuis la réduction des coûts de l'immigration ou de l'audiovisuel public jusqu'à la lutte contre les fraudes ou la suradministration, notamment dans notre système de santé. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) et du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024.

Nous constatons même que les prélèvements obligatoires, dont nous sommes les champions incontestés, devraient repartir d'ici peu à la hausse, passant de 44 % du PIB en 2023 à 44,4 % en 2025. Pour paraphraser Georges Clemenceau, disons que la France est un pays extraordinaire : vous y plantez du Macron et il y pousse des prélèvements obligatoires !

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