Intervention de Éric Dupond-Moretti

Réunion du jeudi 7 septembre 2023 à 10h00
Commission d'enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d'action des groupuscules auteurs de violences à l'occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements

Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la justice :

Vous mélangez tout. Et contrairement à moi, vous êtes dans la posture. Qui sont les incendiaires ? Clairement, ceux qui ont dit : « La police tue ». C'est l'extrême gauche. Mais avec votre question habile, vous voudriez que je vous donne, non l'extrême onction, mais une onction extrême en vous en distinguant de cette extrême gauche, ce qui ferait de vous des gens parfaits en matière d'extrémisme. Je suis loin de le croire.

Vous faites votre miel de cette « fait-diversification » de la justice évoquée tout à l'heure, en racontant sur les plateaux de télévision que la justice est laxiste. C'est faux comme le montrent tous les chiffres, qu'il s'agisse de la justice correctionnelle ou de la justice criminelle rendue par des Français dans les cours d'assises. Dire la justice laxiste avec la surpopulation carcérale que nous connaissons, il faut oser… Ces arguments, je vous les ai donnés vingt fois dans l'hémicycle. Vous faites des progrès puisque vous votez désormais l'augmentation des moyens consacrés à la justice et à la police, ce que vous ne faisiez pas par le passé. Mais vous ne persistez pas moins à tenir partout ce discours-là.

Autre mensonge ou disons inexactitude : la prétendue inexécution d'un grand nombre de peines. C'est faux. Lorsqu'un mandat de dépôt est décerné à l'audience correctionnelle, la peine est immédiatement exécutée. En revanche, il existe des peines aménageables ; nous les avons d'ailleurs restreintes puisque l'aménagement n'est désormais possible que pour les peines d'un an d'emprisonnement au maximum, contre deux ans auparavant. Dans ces cas-là, il faut réunir le service pénitentiaire d'insertion et de probation et le juge de l'application des peines, ce qui prend du temps. La peine n'est donc pas immédiatement exécutée, mais en cours d'exécution. Il y a toujours un lot de peines non encore exécutées, qui se succèdent. Vous ne parlez donc pas d'une masse de peines non exécutées, mais en cours d'exécution. Je l'ai dit et répété. Mais vous vous en moquez. Pour des raisons électoralistes, vous faites croire à nos compatriotes que les juges sont d'affreux laxistes, que les peines ne sont pas exécutées et que tout ira mieux si vous arrivez au pouvoir. Mais si tel devait être le cas, ce que je ne crois ni n'espère, je ne vous donne pas deux jours sans infraction et sans crime. Ils sont consubstantiels à la société.

Avez-vous observé la situation dans d'autres pays européens ? Nous ne sommes pas les derniers en termes de sévérité, tant s'en faut. Mais vous ne faites pas ce travail. Ce n'est pas la peine. Il vous suffit de dire que tout est la faute à la justice.

Vous évoquez 540 personnes interpellées et 2 hommes condamnés. Voudriez-vous que l'on condamne des gens au bénéfice du doute ? Est-ce votre projet ? En réalité, cela signifie que la justice a fait le tri. Que croyez-vous, qu'il y a des magistrats au parquet qui, quand ils ont le dossier d'un coupable entre les mains, le classent sans suite ? C'est injurieux à l'égard des magistrats. Si une personne n'est pas poursuivie, c'est qu'il n'y a pas matière à le faire. Ça n'implique aucune carence de la justice ni de la police. Vous n'accepteriez pas d'être condamné sur un soupçon : en tant que citoyen, vous exigeriez des preuves de votre culpabilité. C'est d'ailleurs ce qu'on demande aux jurés d'assises : se fonder sur les preuves rapportées contre l'accusé.

Cela ne peut être un sujet polémique. Chacun doit être à sa place : les policiers, à qui je rends hommage, font leur travail, qui est difficile, tout comme celui des magistrats, qui agissent en toute indépendance. Heureusement qu'une interpellation n'est pas une condamnation. Voilà comment les choses fonctionnent. Et je n'ai pas parlé des affaires qui partent à l'instruction !

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