Intervention de Estelle Youssouffa

Séance en hémicycle du mercredi 19 juillet 2023 à 15h00
Protocole sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés au transport de substances nocives — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEstelle Youssouffa :

Depuis quarante ans, les accidents maritimes ont entraîné le déversement de plusieurs millions de tonnes de pétrole en mer et sur les côtes. Dès 1992, un régime d'indemnisation a été prévu pour les dommages causés par les hydrocarbures. Cependant, toutes les substances nocives n'étaient pas intégrées à cet instrument ; c'était notamment le cas du GNL, dont les importations dans l'Union européenne ont doublé en dix ans.

Afin de couvrir tous les risques, la Convention internationale de 1996 sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses a organisé une responsabilité à deux niveaux en cas d'accident mettant en jeu des hydrocarbures ou des substances chimiques. Malheureusement, cette convention est restée jusqu'à présent sans effet. Sont en cause des difficultés d'application et l'absence de volonté politique. En conséquence, plusieurs accidents survenus depuis 1996 n'ont pas été pris en charge par le dispositif. Je pense notamment au naufrage de l'Erika au large de la Bretagne ou à celui du Prestige au large de l'Espagne.

Dans ce contexte, le présent protocole tend à modifier les exigences de la convention de 1996 afin de lever les derniers freins juridiques et les réticences politiques. Il permettra d'instaurer un régime d'indemnisation à deux niveaux. Le premier niveau correspondra à la prise en charge par l'assurance du propriétaire du navire ; cette assurance est obligatoire et couvrira jusqu'à 100 millions de dollars de dommages. Le deuxième niveau reposera sur un fonds dédié, qui sera alimenté, jusqu'à 250 millions de dollars, par des contributions des réceptionnaires de marchandises en vrac. Les livraisons en colis ainsi que les cargaisons de GNL ne donneront pas lieu à des contributions au fonds, mais les dommages qui s'y rapportent seront tout de même indemnisés.

En outre, la nouvelle rédaction de la convention prévoit l'inéligibilité des États et de leurs ressortissants à l'indemnisation en cas d'absence de sanction appliquée à la non-déclaration des marchandises reçues. Il est nécessaire de s'arrêter un peu sur ce mécanisme de sanction en France. En effet, un rapport remis conjointement en 2021 par l'Inspection générale des finances (IGF), le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et l'Inspection générale des affaires maritimes (Igam) propose de décaler le calendrier de déclaration, de retenir le réceptionnaire final comme déclarant de droit commun et de demander aux entreprises réceptionnaires nationales des données suffisantes pour garantir la pertinence de la déclaration.

Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous confirmer que les conclusions de ce rapport de 2021 ont bien été prises en compte ? Pouvez-vous nous garantir que notre mécanisme de sanction respecte les exigences du protocole de 2010 et que la ratification de celui-ci n'entraînera pas de risque juridique pour notre pays ? Il ne faudrait pas que nous contribuions au fonds sans pouvoir bénéficier de l'indemnisation, en raison d'une erreur formelle dans la procédure de contrôle et de sanction des déclarations.

En ratifiant le protocole, la France rejoindra le groupe des quelques États qui veulent une application réelle et effective de cet instrument juridique, et nous ne pouvons que nous en féliciter. Cette volonté s'inscrit dans le prolongement des multiples engagements pris par notre pays en matière de lutte contre le réchauffement climatique et de protection de la biodiversité. À cet égard, je tiens à rappeler la proposition, issue du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial qui s'est tenu à Paris les 22 et 23 juin, d'instaurer un prélèvement sur les émissions de gaz à effet de serre du secteur maritime.

Cette idée est discutée en ce moment même au sein du Conseil de l'Organisation maritime internationale. Lors de sa réunion du 7 juillet dernier, le Comité de la protection du milieu marin de l'OMI a en effet décidé de mettre en œuvre une stratégie de réduction des émissions du secteur et a envisagé la création d'un mécanisme de tarification incitatif. Rappelons d'ailleurs que nous avions adopté, en avril dernier, le projet de loi autorisant la ratification d'amendements à la Convention de 1948 portant création de l'Organisation maritime internationale ; il s'agissait notamment de modifier la composition dudit Conseil de l'OMI. Pour celles et ceux qui en douteraient, cela montre que tous nos travaux sont liés !

Le protocole constituant une avancée appréciable dans la prise en compte des préjudices écologiques, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires votera pour le projet de loi autorisant sa ratification.

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