Intervention de Marie-Anne Barbat-Layani

Réunion du mercredi 28 juin 2023 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l'Autorité des marchés financiers :

Je vous remercie de me recevoir au sein de votre commission pour vous remettre, conformément à l'article L. 621-19 du code monétaire et financier, le rapport annuel 2022 de l'Autorité des marchés financiers.

C'est l'occasion pour moi de revenir devant votre commission, qui m'a fait l'honneur de se prononcer en faveur de ma nomination au mois d'octobre dernier. J'ai pris mes fonctions le 26 octobre 2022 et j'ai l'honneur de présider une autorité de contrôle et un régulateur de marché de premier plan, autorité publique indépendante reconnue par ses pairs, dotée d'un collège pluridisciplinaire et d'une commission des sanctions indépendante, et composée de collaborateurs de haut niveau.

Je profiterai de cette audition pour vous présenter prioritairement les orientations stratégiques de notre activité pour la période 2023-2027, qui correspond à la durée de mon mandat. Nous les avons rendues publiques ce lundi 26 juin. Elles seront la colonne vertébrale qui guidera nos choix et nos actions dans l'accomplissement de nos missions d'autorité publique indépendante, au service de l'intérêt général.

Ce plan porte un nom fort qui en exprime l'ambition : Impact 2027. Le nom que nous avons choisi illustre notre objectif d'être un régulateur à fort impact, impliqué à la fois dans l'élaboration des textes et dans leur déploiement ; mais également un régulateur à impact dans ses pratiques de supervision. L'impact est enfin ce que nous voulons donner à l'action des collaborateurs de l'AMF.

Pour commencer, je tiens à évoquer en quelques mots le processus. Nos orientations résultent des travaux que nous avons menés ces derniers mois avec nos équipes et le collège de l'AMF sur les grandes leçons des années passées et sur les éléments du contexte dans lequel l'Autorité exercera ses missions dans les années à venir. Elles ont été nourries de l'écoute de l'ensemble des parties prenantes. Cette posture d'écoute et d'interaction est importante et nous souhaitons la développer.

L'année 2022 a été une année complexe, marquée par la guerre en Ukraine et le retour de l'inflation sous l'effet de la hausse des prix de l'énergie, dans un environnement financier en mutation et confronté à des risques nouveaux. Les marchés financiers ont connu une forte volatilité et une baisse significative. En 2023, se confirme un environnement complexe, marqué par la fin d'une longue période de taux bas, voire négatifs. Face à l'inflation et la montée des taux d'intérêt, les acteurs financiers et les investisseurs vont devoir s'adapter.

Dans ce contexte, les problématiques d'endettement, de risques de taux et de liquidité prennent davantage d'importance. Nous avons également connu un certain nombre de crises. Tout d'abord, le marché de la dette souveraine britannique a connu une forte crise en septembre 2022, année où le monde des cryptoactifs a également essuyé ses premières crises majeures. Au printemps 2023, des acteurs financiers spécifiques ont rencontré des difficultés, notamment certaines banques régionales américaines et le Crédit Suisse. Les réactions des superviseurs et des régulateurs ont permis que la stabilité financière globale ne soit pas remise en cause, mais ces évènements ont montré à quel point la vigilance et une forte coordination des autorités de régulation sont nécessaires.

Dans le même temps, la place de Paris est devenue la première place financière européenne par la capitalisation boursière. C'est un atout considérable pour l'autonomie stratégique de l'Union européenne et le financement de l'économie, mais c'est aussi une responsabilité éminente pour le régulateur.

Au-delà de ce contexte, deux sujets de fond prennent une importance croissante pour notre action : la digitalisation du monde financier et la finance durable. La digitalisation génère de nouveaux acteurs, de nouvelles opportunités, de nouvelles pratiques de commercialisation, mais aussi de nouveaux défis pour les régulateurs, notamment en matière de protection des investisseurs, de protection des données et de cybersécurité. Quant à l'urgence climatique, c'est une priorité absolue, confirmant la pertinence de la position pionnière de l'AMF en matière de finance durable.

Sur la base de ces éléments, nous avons retenu six grandes orientations pour la période 2023-2027. Il s'agit tout d'abord de deux axes stratégiques transversaux : être un régulateur exigeant pour une place financière de premier plan ; et avoir une action nationale et européenne forte. Ensuite, nos trois priorités thématiques sont les suivantes : protéger les épargnants ; promouvoir une finance plus durable et accompagner l'innovation. Enfin, nous avons une grande orientation, que nous avons appelée notre « socle essentiel » et qui porte sur notre organisation et nos équipes, pour lesquelles nous nous sommes fixé une priorité interne : être une autorité attractive et performante au service l'intérêt général.

Notre premier axe transversal consiste à être un « régulateur exigeant pour la première place financière européenne ». Cet axe repose sur une conviction et un engagement. Notre conviction est qu'une régulation exigeante n'est pas antinomique avec une place financière dynamique, bien au contraire. La conquête de la première place européenne par la place de Paris le prouve. L'AMF se positionnera donc en régulateur exigeant, pour garantir le bon fonctionnement des marchés et la bonne information des investisseurs.

Nous souhaitons œuvrer à l'intégrité des marchés, à la qualité de l'information financière et extra-financière, à la protection des actionnaires minoritaires et à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Notre action de supervision s'appuiera sur l'identification des risques et les recommandations que nous donnerons aux acteurs, voire dans un certain nombre de cas, des actions pouvant aller jusqu'à la sanction. Nous souhaitons développer et pérenniser nos outils en matière d'enquête, de contrôle et de sanction, ce qui pourra passer par des modifications législatives.

Notre engagement vise à œuvrer à l'attractivité de la place de Paris. Nous éviterons la sur-réglementation, notamment toute surtransposition de la réglementation européenne, sauf, évidemment au cas par cas, sur des enjeux majeurs de protection des épargnants. Nous nous efforcerons d'offrir le meilleur environnement de supervision possible, en développant le dialogue avec les acteurs et en surveillant nos performances en matière de délais et de réactivité. Nous donnerons des indications sur nos attentes et sur les bonnes pratiques, à travers la publication de recommandations et de questions-réponses. Nous poursuivrons la modernisation de nos outils de supervision, notamment en matière d'exploitation de la donnée. Nous réaliserons régulièrement des études de perception ciblées. Enfin, nous rendrons davantage compte de notre activité et de notre performance, pour laquelle nous travaillons à la mise en œuvre d'indicateurs, que nous rendrons publics.

Notre deuxième axe transversal porte sur « une action internationale forte ». L'AMF considère la dimension européenne comme essentielle et lui donnera naturellement la priorité, tirant les conséquences d'un marché financier européen qui reste fragmenté et d'une organisation de la supervision qui repose encore, pour l'essentiel, sur les régulateurs nationaux.

Notre action donnera la priorité aux outils permettant une convergence des pratiques de supervision. Au sein de l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA), qui est pour l'AMF un partenaire essentiel, nous privilégierons les outils permettant une convergence fondée sur la bonne compréhension des pratiques de marché : l'étude de cas concrets, les revues par les pairs et les actions de supervision communes.

Nous soutiendrons tous les efforts de mise en place d'un marché des capitaux européens plus unifié. Mais compte tenu du contexte actuel, nous plaiderons pour mieux protéger les épargnants et pour faire en sorte que les superviseurs des pays d'accueil des prestations transfrontalières disposent de davantage de pouvoirs en matière de protection des épargnants. Sur le plan international, l'AMF poursuivra son implication forte dans les travaux conduits notamment au sein de l'Organisation internationale des commissions de valeur (OICV), en particulier sur les enjeux de stabilité financière et d'innovation financière.

Nous avons également identifié trois priorités thématiques. La première consiste à protéger les épargnants. Nous souhaitons porter le message d'une finance accessible à tous, et pas seulement aux experts. Cela passe par la clarté et l'intelligibilité de l'information fournie aux investisseurs et la comparabilité des produits. Nous serons attentifs à l'accessibilité et à la qualité du conseil ainsi qu'à sa proximité. Celui-ci doit être réalisé dans l'intérêt exclusif de l'épargnant et être adapté au profil et aux objectifs de l'épargnant.

Nous travaillerons également à la formation des professionnels et à l'éducation financière des épargnants. Nous serons particulièrement attentifs à faire progresser la transparence sur les frais. Dans ce contexte, nous participerons activement aux travaux issus de la stratégie sur l'investissement de détail ( Retail Investment Strategy ) proposée par la Commission européenne, en particulier sur le concept du rapport qualité-prix des instruments financiers.

Nous poursuivrons notre investissement sur la régulation des influenceurs financiers. Nous développerons également nos outils de veille des pratiques de commercialisation, qui se traduisent par un flou sur la frontière entre le jeu et l'investissement, que l'on appelle la « gamification ». Nous amplifierons nos activités de lutte contre les arnaques et pratiques de commercialisation problématiques. Nous poursuivrons nos actions répressives, notamment en matière de fermeture de sites internet, mais aussi nos actions de communication pour aller chercher les épargnants là où ils sont, notamment sur les réseaux sociaux, et les aider à développer leur esprit critique, afin qu'ils puissent identifier les problèmes auxquels ils sont confrontés.

Promouvoir une finance plus durable est notre deuxième priorité thématique. La France porte en la matière un message singulier. L'AMF a été pionnière sur ces sujets et entend porter le leadership d'une transformation ambitieuse. Cela passe de plus en plus par la mise en place d'un cadre européen ambitieux. Je veux parler ici notamment du règlement Taxonomie, de la directive sur le reporting de durabilité des entreprises (CSRD) et du règlement SFDR ( Sustainable Finance Disclosure Regulation ), qui porte notamment sur la durabilité en matière de fonds d'investissement. Nous serons force de proposition en vue de la finalisation de ce cadre, et nous accompagnerons l'ensemble des acteurs : les entreprises, les gestionnaires de fonds et les investisseurs.

Accompagner l'innovation est notre troisième priorité thématique. Nous réaffirmons notre positionnement de régulateur ouvert et favorable à l'innovation. L'AMF a su développer une véritable expertise de l'écosystème de l'innovation, ce qui nous permet d'identifier les nouveaux développements en matière d'innovation (finance ouverte, finance décentralisée, intelligence artificielle), mais aussi les grands enjeux en matière de régulation. C'est pourquoi nous serons notamment très investis sur le déploiement du cadre européen de réglementation sur les cryptoactifs (MiCA), qui permettra d'accompagner ces acteurs vers davantage de maturité.

Enfin, notre priorité interne concerne ce « socle essentiel » : nous souhaitons être une autorité attractive et performante, au service de l'intérêt général. L'AMF jouit d'une réputation d'excellence, qui est son premier atout. Celle-ci repose sur la qualité de ses systèmes d'information, mais aussi et surtout sur la qualité et l'engagement de ses équipes, que je salue et que je m'engage à valoriser. En effet, travailler au sein d'une autorité publique indépendante, reconnue, et œuvrer au service de l'intérêt général donne un sens fort à l'engagement de nos collaborateurs. Mais nous souhaitons travailler encore davantage à notre attractivité et confirmer notre statut d'employeur exemplaire. Nous veillerons au maintien d'un dialogue social de qualité avec l'ensemble de nos collaborateurs.

L'AMF poursuivra également sa transformation dans une dynamique d'amélioration de sa performance. En tant qu'entité publique, nous devons être exemplaires dans la gestion de nos ressources. Nous nous engageons à mettre en place une gestion resserrée et à rendre davantage compte de notre action, notamment par des indicateurs de performance.

En conclusion, nos missions se sont développées ces dernières années et vont continuer à s'accroître. C'est une vraie gageure pour une autorité publique, dont les ressources sont contraintes. J'espère que nous pourrons convaincre de la nécessité de nous donner les moyens de continuer à nous développer, compte tenu de l'importance des enjeux qui sont devant nous, et de notre ambition d'avoir un réel impact en tant que régulateur de la place financière de Paris, qui est devenue la première place financière européenne.

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