Intervention de Éric Lombard

Réunion du mercredi 14 juin 2023 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Éric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations :

Cette opération est effectivement inhabituelle, à différents égards, mais la Caisse des dépôts en a l'habitude. Par exemple, nous sommes intervenus récemment dans le cadre de l'offre d'achat de Veolia sur Suez, qui était assez conflictuelle. Nous avons participé à la conclusion d'un accord en prenant 20 % du capital de Suez. Cette souplesse, sous l'autorité de la commission de surveillance, est précieuse. À court terme, je ne vois pas d'autre opération sur la place demandant notre intervention.

Nous pensons que l'on peut agir dans le cadre d'un capitalisme éthique et responsable ; cette ligne de conduite guide d'ailleurs notre action dans tous les domaines. La priorité que nous allons continuer à fournir à l'équipe de direction concerne les résidents, les malades et les salariés. Une entreprise est d'abord une communauté humaine et son principal objet est de remplir sa mission vis-à-vis de ses clients, de ses partenaires et de ses bénéficiaires : les actionnaires ne sont que des apporteurs de capitaux.

Dans le cas d'Orpea, nous ne prélèverons pas de dividendes pendant au moins trois ans et nous avons décidé que la rentabilité d'Orpea serait inférieure à ce qu'elle était au préalable. Je rappelle que la valorisation de l'entreprise diffère grandement selon les prévisions en matière de taux de marge, de rémunération de salariés et du nombre d'aidants. Nous souhaitons ainsi nous rapprocher le plus possible dans le temps du nombre d'aidants par résident proposé par la défenseure des droits, soit un ratio de 0,8. Chaque mois, Orpea recrute 600 à 700 personnes pour augmenter ce taux d'aidants. La rentabilité en sera nécessairement dégradée, mais notre priorité concerne la qualité des soins. Par ailleurs, des contraintes relatives aux missions de service public sont imposées à Orpea, puisque s'occuper des personnes âgées constitue une mission de service public.

En matière de gouvernance, cette participation stratégique sera suivie de manière régulière, grâce à un dialogue direct avec l'équipe de direction et le suivi d'indicateurs. Si jamais des difficultés apparaissent ou si le plan de marche n'est pas respecté, la Caisse des dépôts corrigera le tir afin que les engagements que nous prenons devant vous soient respectés, comme elle fait de manière très active pour ses autres participations.

Le parc immobilier était évalué à plus de 8 milliards d'euros. Il est aujourd'hui évalué dans les comptes à 6,5 milliards. Cet ajustement de valeur du parc est lié à deux facteurs. En premier lieu, les loyers payés par les Ehpad étaient dans certains cas trop élevés. Ils ont été diminués, ce qui entraîne mécaniquement une baisse de la valeur des murs sur lesquels le propriétaire, en l'occurrence la même société, prélève un loyer. En second lieu, la hausse des taux d'intérêt que nous connaissons actuellement entraîne une diminution de la valeur de la plupart des actifs immobiliers. Ces deux facteurs conjugués expliquent donc cet ajustement, qui a été validé par les commissaires aux comptes.

Ensuite, Orpea détient trop d'actifs immobiliers (47 %), ce qui a contribué en partie à ses difficultés financières. L'objectif consiste ici à revenir à un niveau de 25 %, c'est-à-dire la norme dans ce secteur. Orpea va donc céder des biens, ce qui relève de la responsabilité de l'équipe de direction générale, qui n'a pas encore tranché cette question. L'opération d'augmentation de capital leur fournira le temps nécessaire pour réaliser ces cessions dans les meilleures conditions.

M. le rapporteur général, vous m'avez demandé si cette opération était d'ordre stratégique ou s'il s'agissait simplement d'une opération de sauvegarde. Il s'agit évidemment d'une opération de sauvegarde, dans la mesure où l'entreprise risquait d'être en défaut. Mais elle est également d'ordre stratégique : même si elle n'était pas prévue, elle s'inscrit dans l'action que nous menons dans le domaine du grand âge et de la dépendance. Ainsi, lors du plan de relance, nous avions décidé au mois de juin 2020 d'engager 26 milliards d'euros de financement, sous l'autorité de la commission de surveillance. Sur ces 26 milliards, nous avions réservé 500 millions pour le secteur de la santé, du grand âge et de la dépendance mais nous peinions à trouver des occasions d'investir.

Dans la durée, nous pensons pouvoir atteindre un objectif de rentabilité efficace. Nous estimons qu'il est à la fois possible de bien s'occuper des résidents et des salariés – notre priorité – tout en dégageant une rentabilité suffisante. Mais cette rentabilité est une conséquence, elle ne constitue pas l'objectif premier.

Enfin, s'agissant des recours, les principaux opposants à cette opération sont les actionnaires, mais pas nécessairement les actionnaires historiques. Il s'agit essentiellement d'actionnaires récents, qui sont entrés au capital pendant la période de turbulence. Si le plan de restructuration est approuvé par le tribunal de commerce, ils perdront en effet une partie de leur investissement. Ils essayent donc de trouver des solutions qui leur seraient plus favorables. Pour le moment, les cours ont décidé que le vote prévu par l'ordonnance de 2021 permettait de recueillir l'avis des uns et des autres.

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