Intervention de Nicolas Sansu

Réunion du mardi 16 mai 2023 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Sansu, rapporteur spécial (Politique des territoires) :

Il m'appartient de m'exprimer sur l'exécution des programmes 112, 147 et 162 qui sont de l'ordre de 1,26 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1,02 milliard en crédits de paiement.

Seul le programme 147 dépend de votre périmètre, monsieur le ministre délégué : le programme 112 est géré par le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et le programme 162 par le ministérieur de l'intérieur dans un cadre interministériel.

Au-delà du débat sur le niveau de financement des politiques publiques relatives à l'aménagement du territoire, l'exécution 2022 amène des remarques – voire des critiques – qui figurent dans la note que je vous ai fait parvenir.

En ce qui concerne le programme 112, doté de 383 millions en autorisations d'engagement et de 338 millions en crédits de paiement en 2022, on remarque des mouvements de crédits étonnants et une utilisation inadaptée du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT).

D'abord, on constate des transferts de crédits en provenance du plan de relance. Je pense notamment aux crédits des contrats de plan État-région (CPER) et des contrats de plan interrégionaux État-région (CPIER), qui n'avaient rien à faire dans le plan de relance puisqu'ils correspondent au niveau annuel des autorisations d'engagement nécessaires pour l'ensemble de la durée des CPER, soit 2021-2027. Placer ces crédits dans le plan de relance relevait donc du pur affichage politique.

Ensuite, comment expliquer certaines annulations de crédits de paiement par la loi de règlement, alors qu'elles correspondent à des transferts en gestion ?

Par ailleurs, le respect du principe d'annualité budgétaire n'est clairement pas la priorité du Gouvernement : des crédits ont été votés dans le cadre de la seconde loi de finances rectificative pour 2022 (LFR2) pour des dépenses prévues en 2023. Il s'agissait, notamment, d'augmenter la dotation des maisons France Services, de manière à faire passer le financement pour chaque structure de 15 000 à 20 000 euros, pour un montant total de 15,6 millions d'euros. En soi, cette décision était tout à fait bienvenue – d'ailleurs, nous avions demandé la même chose lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, ce qui avait été refusé. Comment expliquer que cette augmentation apparaisse en LFR au Sénat ? D'ailleurs, pas un centime de cette enveloppe n'a été consommé en 2022.

Enfin, l'utilisation du FNADT a été sévèrement critiquée par la Cour des comptes. Ce dispositif, à la main des préfets, est utile et souple, mais il ne doit pas devenir le véhicule des décisions discrétionnaires du Gouvernement. Il faut, à tout le moins, que l'on puisse justifier le choix de passer par le FNADT pour réaliser tel ou tel contournement autoroutier, l'achat d'une « maison de la créativité » ou encore le financement d'un centre de formation. Ces dépenses, sans doute utiles, n'ont pas de lien direct avec le programme 112.

L'exécution du programme 147 Politique de la ville, qui s'élève à plus de 550 millions, est davantage conforme à l'autorisation budgétaire du Parlement. Elle appelle tout de même quelques remarques.

D'abord, il est des exécutions conformes aux prévisions qui n'en sont pas moins inquiétantes. C'est le cas de la subvention à l'Anru, qui est inférieure à 15 millions d'euros, alors que le rythme des chantiers s'accélère. Le niveau de la trésorerie de l'établissement permet de voir venir, mais la haie à franchir sera très haute dans les années à venir, alors que l'on entend parler de plus en plus d'austérité budgétaire et que l'objectif pour l'État est d'atteindre 1,2 milliard sur l'ensemble de la durée du programme.

Ensuite, les dépenses en faveur des cités éducatives sont inférieures de 10 millions aux prévisions de la loi de finances initiale. Pouvez-vous nous assurer que cette expérimentation, qui est positive – nous avions d'ailleurs demandé qu'elle soit élargie –, demeure une priorité de votre ministère ?

En outre, quand le Gouvernement prétend financer 6 514 postes d'adultes-relais alors que l'enveloppe disponible permet seulement d'assurer la rémunération à hauteur de 4 600 postes occupés à plein temps, il y a, là encore, une forme d'affichage politique.

Enfin, sur les 552 millions d'euros consommés par le programme 147, 370 millions ont été fléchés vers les contrats de ville. Qu'en est-il de la future génération de contrats ? Comment seront-ils construits ? Quel est le niveau de financement prévu ?

L'exécution du programme 162 en 2022 fait apparaître 328 millions d'euros en autorisations d'engagement et 138 millions en crédits de paiement. Force est de constater que les événements marquants survenus au cours de l'année n'ont eu aucune conséquence sur l'exécution. Ainsi, alors que l'État a été condamné par le tribunal administratif de Paris, le 24 juin 2022, pour ses négligences dans l'affaire du chlordécone, le plan « chlordécone » est sous-exécuté. Cela n'est pas normal. De même, des arrêtés préfectoraux ont été pris en Bretagne, en juin 2022, en réponse à l'injonction adressée à l'État par le tribunal de Rennes concernant la lutte contre les algues vertes. Quelle a été la traduction budgétaire pour accompagner les agriculteurs dans le changement de leurs pratiques et mieux contrôler les rejets azotés ? Il n'y en a eu aucune. Même la Cour des comptes, pourtant prudente dans ses notes d'exécution budgétaire, ne peut que constater cette atonie du pouvoir central. Il y a urgence à agir.

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