Intervention de Rima Abdul-Malak

Séance en hémicycle du jeudi 29 juin 2023 à 9h00
Restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 — Présentation

Rima Abdul-Malak, ministre de la culture :

Je souhaite vous lire les mots que j'ai lus dans l'hémicycle du Sénat, parce qu'ils m'accompagnent depuis mon arrivée au ministère de la culture et m'ont encouragée à faire de ce texte de justice mon premier projet de loi. Voici ce qu'écrivait Patrick Modiano dans Dora Bruder, il y a un peu plus de vingt-cinq ans, alors que nous commencions à prendre la mesure de l'ampleur du drame des spoliations : « Il faut longtemps pour que ressurgisse à la lumière ce qui a été effacé. Des traces subsistent dans des registres et l'on ignore où ils sont cachés et quels gardiens veillent sur eux et si ces gardiens consentiront à vous les montrer. Ou peut-être ont-ils oublié tout simplement que ces registres existaient. […] En écrivant ce livre, je lance des appels, comme des signaux de phare dont je doute malheureusement qu'ils puissent éclairer la nuit. »

Chercheurs, historiens, associations, descendants des familles, élus : ils ont été nombreux à entendre ces appels et à nous aider à éclairer la nuit. Je voudrais ici les remercier ; c'est leur mobilisation depuis des décennies qui a rendu possible l'élaboration de ce projet de loi.

Les derniers témoins de la Shoah sont encore parmi nous, mais plus pour très longtemps. Malheureusement, l'antisémitisme n'appartient toujours pas au passé. Le combattre reste un engagement absolu et quotidien, pour qu'on ne puisse plus jamais dire que la Shoah était un « détail de l'histoire ». Dans son livre La Carte postale, Anne Berest relie sa généalogie familiale au présent : « Je suis fille et petite-fille de survivants. Je me rends compte aujourd'hui que j'avais l'âge de ma mère, le même âge que ma grand-mère au moment où elles avaient reçu les insultes et les jets de pierre, l'âge de ma fille quand, dans une cour de récréation, on lui avait dit qu'on n'aimait pas les Juifs dans sa famille. » Ces mots, ces insultes, ces agressions, nous ne voulons plus jamais les vivre.

Ce projet de loi n'est qu'une très modeste contribution à ce combat permanent, mais il n'en reste pas moins historique. Il s'inscrit dans un chemin ouvert par les résistants – dans le maquis, à Londres, en Afrique du Nord, mais aussi dans nos musées –, ouvert par Rose Valland, ouvert par toutes celles et tous ceux qui se sont battus pour la justice et l'humanité. Avec ce projet de loi, nous rendons hommage à leur engagement, à leur courage ; nous nous en montrons dignes.

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