Intervention de Jérémie Iordanoff

Séance en hémicycle du lundi 3 juillet 2023 à 16h00
Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027 — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérémie Iordanoff :

La justice : entendez résonner ce mot ! Elle ne peut pas tout, bien sûr, et ne se substitue pas à la politique ; mais sans elle, point de concorde, point de paix civile. Son organisation est indissociable de l'État de droit. Il faut lui donner les moyens adéquats et la protéger contre toute interférence.

L'autorité judiciaire, c'est un pouvoir, une institution ; ce sont des règles, des procédures, mais aussi des femmes et des hommes. Après la tribune des 3 000 – la tribune publiée dans Le Monde, en novembre 2021, signée de 3 000 magistrats –, après les états généraux de la justice, les deux textes que nous allons discuter étaient attendus : certaines dispositions vont dans le bon sens, mais, disons-le également, elles ne remédieront pas à l'ensemble des problèmes. Il est en outre fort dommageable, compte tenu de leur volume et des points essentiels qu'ils abordent, que le Gouvernement ait une fois de plus engagé la procédure accélérée, ce qui ne respecte pas la délibération parlementaire et nuit à la qualité du droit.

Avant d'aborder les projets de loi, je dirai un mot de leurs silences. Il est regrettable qu'ils ne donnent pas lieu à un débat institutionnel sur l'autorité judiciaire : à l'heure où la France devrait faire un pas de plus vers la parfaite indépendance de sa justice, nous assistons plutôt à un mouvement inverse – je pense en particulier à la transmission au ministre des plaintes irrecevables. De plus, la mainmise du parquet sur les enquêtes et les poursuites a déséquilibré la procédure pénale, ce qui concourt à poser la question de son statut et de son indépendance, réclamée par les participants aux états généraux de la justice comme par le CSM.

Silence radio également au sujet de l'indépendance de la justice par rapport à l'administration en ce qui concerne les atteintes à l'environnement. Le contentieux pénal environnemental est à sec, ce à quoi contribue évidemment le manque de moyens consacrés à la recherche et à la poursuite des délinquants en la matière, mais aussi et surtout le fait que les parquets ne sont pas saisis par les services verbalisateurs – services placés sous l'autorité des préfectures, notoirement sensibles aux intérêts économiques locaux. Les affaires dans lesquelles un préfet a délivré une autorisation illégale ou laissé sciemment un industriel polluer les alentours ne manquent pas : le phénomène est ancien et documenté. Or cette rétention d'information déplace de l'autorité judiciaire à l'administration le soin de juger de l'opportunité des poursuites. Il y a là une atteinte à la séparation des pouvoirs : nous nous félicitons que le Gouvernement ait accepté de soutenir en commission l'un des amendements que nous avons déposés à ce sujet, et nous espérons voir les autres adoptés en séance publique.

Un mot concernant l'extension du référé pénal environnemental : j'avais déposé en ce sens un amendement repoussé en commission, car, m'a-t-on dit, insuffisamment précis. Il a été retravaillé en vue de la séance et cependant déclaré irrecevable, ce que je regrette vivement.

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