Intervention de Frédéric Valletoux

Séance en hémicycle du lundi 12 juin 2023 à 21h30
Améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Valletoux, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Nous le savons tous ici, la crise de notre système de santé et les difficultés d'accès aux soins qui en résultent prennent malheureusement, pour nos concitoyens comme pour les soignants, des allures de jour sans fin. Cette crise est ancienne : c'est un long délitement aux ressorts complexes, qui doit autant au manque d'anticipation qu'à la vision malthusienne et conservatrice longtemps partagée par de nombreux gouvernements et par de nombreux acteurs représentatifs de la profession. Au-delà des causes, sur lesquelles on pourrait disserter longtemps mais qui ne sont pas le sujet ce soir, cette crise menace l'un des ciments de notre pacte républicain : la promesse d'un égal accès pour tous à une prise en charge médicale qui allie la proximité, la qualité et la gradation des soins en fonction des besoins, tout cela dans un système universel qui doit assurer la protection de chacun.

La proposition de loi que j'ai l'honneur de rapporter devant vous procède de convictions que nous sommes nombreux, je le sais, à partager sur ces bancs. C'est la conviction qu'il est temps de faire davantage confiance aux acteurs de terrain, pour faire émerger une organisation des soins à la mesure des besoins et des aspirations de chaque territoire. C'est la conviction qu'il est temps de faciliter, au plus près du terrain, le partage et les coopérations entre tous ceux qui, directement ou indirectement, participent à cette mission du soin – non seulement, bien sûr, les professionnels de tout statut, mais aussi les collectivités locales, les administrations et les associations de patients.

Le temps est venu d'accélérer un virage déjà amorcé ces dernières années, notamment par la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, dite loi Ma santé 2022, voulue par le président Emmanuel Macron et son premier ministre d'alors, Édouard Philippe. Il s'agit de considérer que l'avenir de notre système de santé passe autant par des réformes structurelles nationales – à l'exemple de celle du financement, annoncée pour le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) – que par la responsabilisation des acteurs de proximité, pour faire émerger des réponses adaptées aux spécificités de chaque territoire.

Il revient à l'État, au Gouvernement et à la représentation nationale de définir les règles générales et les priorités attendues de notre système d'assurance maladie, tout en veillant au financement de l'ensemble. Mais il revient aux acteurs de terrain de réfléchir et d'imaginer ensemble, en fonction des besoins propres à chacun, la déclinaison territoriale de ces priorités nationales. Je pense au virage vers la prévention, au meilleur partage de la permanence des soins ou encore à la meilleure répartition des forces soignantes dans les territoires. Qui connaît, mieux que les acteurs de terrains, les besoins en santé de la population dont ils ont la charge ?

Les Français sont inquiets face à ce délitement de leur système de santé, les soignants sont soumis aux contraintes d'un système trop administré et les patients sont déboussolés. Le temps est donc venu que, de ces bancs, émergent des mesures pragmatiques, concrètes et utiles, d'abord pour nos concitoyens, qui nous interpellent en permanence à ce sujet, mais aussi pour les professionnels de santé, qui, en ville comme à l'hôpital, attendent des évolutions.

Pour rénover un système de santé trop atomisé, cloisonné et déséquilibré – les acteurs n'ayant pas tous les mêmes obligations, les secteurs de la ville et de l'hôpital ne communiquant pas assez, de trop nombreux professionnels exerçant encore de façon isolée –, nous sommes appelés à prendre des mesures fortes. Toutefois, personne n'a de baguette magique et il n'y a pas de solution miracle ; tout le monde le sait, notamment ici. Néanmoins, les débats au sein de la commission des affaires sociales nous ont montré que, sur ce thème primordial, nous pouvions converger vers des réponses concrètes, pouvant être tant des mesures ciblées que des réformes structurelles.

Place désormais à l'action et à l'impulsion d'une dynamique nouvelle, pour renforcer l'accès aux soins et rénover notre système de santé, qui compte encore, quoi que certains en disent, parmi nos trésors nationaux. Il nous faut faciliter la coopération entre les différents acteurs – soignants du public et du privé, élus locaux et services des collectivités, agents de l'État et des organismes sociaux, représentants des patients –, en les faisant travailler ensemble, de manière plus efficace, pour améliorer la prise en charge et le parcours des patients.

Nous devons ainsi nous inspirer de la démarche du Conseil national de la refondation (CNR) consacré à la santé, souhaité par le Président de la République, en réunissant dans les bassins de vie l'ensemble des parties prenantes de la santé. La vocation de la proposition de loi que nous nous apprêtons à examiner est d'abord de faire confiance à l'intelligence collective et à la créativité du terrain pour faire émerger des stratégies en santé adaptées à chaque territoire. Ces principes sont l'ADN du texte.

L'article 1er tend à organiser le dialogue, la concertation et le partage de stratégies communes en santé, en donnant du poids et du sens aux conseils territoriaux de santé (CTS). Créés par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, dite loi Touraine, les CTS demeurent souvent des coquilles vides. Tel ne sera plus le cas demain, puisqu'ils auront pour mission d'élaborer le projet territorial de santé, d'assurer son suivi et d'évaluer sa mise en œuvre, en lien avec l'agence régionale de santé (ARS). Afin de donner du sens à la gouvernance territoriale, ils définiront les objectifs prioritaires en matière de permanence des soins, d'accès aux soins et d'équilibre territorial de l'offre de soins.

Le dispositif tendra ainsi à responsabiliser les acteurs de terrain quant à la nécessité de réduire les inégalités de densité démographique. C'est une mesure importante, à l'heure où plus de 1,6 million de Français renoncent chaque année à des soins médicaux. La composition du CTS sera renforcée : tous les acteurs du territoire devront se coordonner autour de stratégies qu'ils mettront ensuite en œuvre.

Nous souhaitons aussi donner un coup d'accélérateur aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), organisation propre aux soins de ville, en y rattachant automatiquement les professionnels de santé et les centres de santé du territoire considéré. D'ores et déjà, certaines CPTS ont construit des projets aboutis en proposant une prise en charge plus efficace des patients, comme c'est le cas dans ma circonscription du sud de la Seine-et-Marne. Il convient désormais d'aller plus loin : les CPTS doivent fédérer davantage de soignants libéraux, et il faut accélérer leur déploiement partout en France. C'est toute l'ambition de l'article 3.

Vingt ans après la suppression de l'obligation de garde pour les médecins de ville, il est temps que nous opérions un rééquilibrage entre tous les professionnels, de sorte qu'ils puissent mieux participer à la permanence des soins. La permanence des soins en ambulatoire a été précisée par la loi du 19 mai 2023 portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, dite loi Rist. Complémentaire de cette disposition récente, l'article 4 de la présente proposition de loi prévoit que les établissements de santé privés participeront davantage à la permanence des soins, aux côtés des hôpitaux. Il s'agit d'une mesure de bon sens, soutenue par les représentants des établissements privés.

La principale difficulté de notre système de santé tient aussi à la démographie médicale : nous n'avons pas assez de professionnels de santé pour répondre aux besoins, et les années qui viennent s'annoncent plus difficiles encore, des tensions extrêmes étant à craindre, notamment dans les zones sous-dotées.

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