Intervention de Philippe Martin

Réunion du mercredi 24 mai 2023 à 9h00
Commission des affaires sociales

Philippe Martin :

La BCE a massivement racheté des dettes publiques. Ainsi, 25 % de la dette publique française est désormais détenue à 80 % par la Banque de France et à 20 % par la BCE. Dans une certaine mesure, nous sommes déjà dans une situation qui court-circuite les marchés financiers pour une partie du financement de la dette.

Au moment de ce quantitative easing, l'objectif était de faire remonter l'inflation en augmentant le montant de liquidités dans l'économie européenne. Je ne pense pas d'ailleurs que la remontée de l'inflation récente soit liée à ces rachats massifs de dette ; en tout cas, l'objectif a désormais changé. Nous ne pouvons pas nous plaindre que l'inflation soit trop élevée et appeler dans le même temps les banques centrales à acheter plus massivement de la dette publique. Il faudra donc procéder à un arbitrage. La BCE ayant pour mandat de contrôler l'inflation, elle va plutôt réduire ses achats de dette publique, ce qui nous contraindra à nous endetter davantage auprès des marchés financiers. Par ailleurs, je vous rappelle que la BCE rachetait la dette publique indirectement, sur les marchés secondaires.

Vous estimez qu'il n'est pas bon que l'État s'endette auprès des marchés financiers – ce qui est le cas à hauteur de 5 %. Une grande partie de la dette publique est détenue par des investisseurs étrangers mais également par un grand nombre de Français à travers l'épargne. Certes, l'État est en partie dépendant de cet endettement. Toutefois, si la France cessait de s'endetter et qu'elle passait de 5 % à 0 % de déficit, nous devrions faire face à une récession gigantesque ; je ne pense pas que ce soit la solution que vous préconisiez.

L'État français a besoin de s'endetter pour financer son déficit, ce qui pose un problème de soutenabilité de la dette. Le financement monétaire pratiqué dans les années 1950 et 1960 ne me semble pas une solution pérenne pour financer la dette publique française. Certes, nous avons besoin d'épargnants, en France et à l'international, pour financer notre déficit ; nous devons avant tout leur démontrer que notre dette est soutenable et que nous serons capables de la rembourser. Toutefois, je ne suis pas certain que cela nous rende entièrement dépendants des marchés financiers.

Enfin, madame Louwagie, je ne suis pas expert en finances publiques. D'un point de vue économique et social, il me semble plus légitime de tenir des débats différenciés sur la loi de finances et la loi de financement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion