Intervention de Jérémie Iordanoff

Réunion du mercredi 31 mai 2023 à 9h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérémie Iordanoff :

La proposition de loi pose une question difficile : faut-il revenir sur le transfert de la compétence eau prévu par la loi NOTRe ? Chez les écologistes, les avis sont nuancés, pour ne pas dire pluriels. La question met en tension deux logiques : d'une part, la nécessité d'assurer une meilleure gestion de la ressource en eau, et, de l'autre, le respect du libre choix des communes. Il faut être pragmatique et se garder des affirmations idéologiques.

On a longtemps cru, en France, que l'accès à l'eau serait garanti pour tous les usages. Cette croyance ne tient plus : nous avons traversé et traverserons encore de douloureux épisodes de sécheresse. La ressource en eau se raréfie. Nous serons contraints de l'économiser et de préserver sa qualité. Or nos réseaux d'eau et d'assainissement sont vieillissants ; il est urgent de les rénover. En effet, 20 % de l'eau se perd et le taux de conformité sanitaire des stations d'épuration est très loin d'être satisfaisant. Tôt ou tard, ce sous-investissement dans les infrastructures fera grimper le prix de l'eau, quels que soient le mode de gestion et le niveau où la compétence est exercée.

De manière générale, mutualiser les moyens permet d'accroître les capacités d'investissement des collectivités et favorise, à terme, une meilleure gestion de la ressource. Les oppositions, il est vrai, sont nombreuses, alors même que le cadre législatif a été assoupli. De nombreux élus estiment que l'échelon intercommunal éloigne les décideurs du public qu'ils sont censés servir. Or, depuis 2019, les communes ont la possibilité de se voir déléguer par convention l'exercice des compétences eau et assainissement : c'est un moyen de retrouver une gestion de proximité.

Selon certains élus, le transfert de la compétence favorise l'augmentation du prix de l'eau. Nous sommes sensibles à l'argument, surtout en pleine période d'inflation. En principe, ce sont les usagers qui financent les services d'eau et d'assainissement, mais la loi a été ajustée l'an dernier : les intercommunalités ont désormais la possibilité de mobiliser plus facilement leur budget principal pour faire face à des investissements importants, ce qui permet d'éviter les augmentations de tarif excessives. Sans doute faut-il attendre un peu avant que les effets du dispositif soient visibles.

Je n'oublie pas non plus l'argument selon lequel les élus n'auraient pas attendu la loi NOTRe pour mettre en commun leurs ressources. Il est vrai qu'ils se sont regroupés au sein de syndicats d'eau et d'assainissement dont le périmètre correspond à une logique de gestion de proximité. Là encore, toutefois, des outils existent pour maintenir ces structures, par la voie de la délégation de compétence. Il ne faut pas confondre le niveau où la compétence est exercée et celui où elle est gérée.

Nous devons écouter les acteurs, faire confiance à l'intelligence des élus, entendre leurs inquiétudes, identifier ce qui ne fonctionne pas, proposer des ajustements et, si besoin, inventer de nouveaux mécanismes, sans pour autant perdre de vue les intérêts de long terme. Or nous ne saurions faire abstraction de la question écologique.

Je crois en la solidarité des communes, et la loi me paraît suffisamment souple pour s'adapter à des configurations très diverses et permettre la gestion locale de la ressource en eau. Cela dit, la mutualisation n'est pas la seule réponse : l'État doit apporter son soutien. Il faut maintenir les moyens financiers des collectivités et des agences de l'eau. Il convient également d'accompagner les maires. En outre, la sobriété doit être encouragée. Enfin, la tarification progressive de l'eau est un enjeu très important : il faut réfléchir à l'instauration de la gratuité pour les premiers mètres cubes d'eau.

Pour ma part, je m'abstiendrai sur ce texte.

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