Intervention de Manuel Valls

Réunion du jeudi 11 mai 2023 à 14h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Manuel Valls, ancien Premier ministre :

Je ne parlerai pas des positions ni des tendances au sein du groupe Socialiste à l'époque, qui étaient effectivement très nombreuses. Je n'étais pas au courant des échanges que vous évoquez et qui ont été révélés. Je l'ai dit au début de mon intervention et je le répète : que le ministre de l'Économie ait des rapports avec des entreprises de cette économie émergente, qui cherchent à s'imposer ou à offrir leurs services – j'emploie à dessein un mot neutre – dans notre pays, cela ne me choque pas.

Pour ma part, je n'ai pas eu de relations directes ou indirectes avec ce secteur. J'ai interrogé l'ensemble de mes collaborateurs : ils m'ont indiqué n'avoir eu aucun rapport direct et que personne n'a été reçu à Matignon – ce qui, en soi, n'aurait pas été scandaleux. M. Mark MacGann n'y a jamais été reçu lorsque j'étais Premier ministre. J'ai interrogé Véronique Bédague, qui était alors ma directrice de cabinet, après les déclarations que M. MacGann a faites devant votre commission : elle n'a aucun souvenir d'une réunion ou de rapports directs ou indirects avec Uber. Je ne fais que rapporter ses propos mais j'ai une grande confiance en ce que dit Mme Bédague et en son intégrité, qui n'est plus à démontrer. Que ces rapports aient eu lieu au niveau de Bercy, cela ne me pose pas de problème.

Ce sont les faits qui m'importent avant tout. Je n'ai pas eu connaissance d'un travail particulier de lobbying auprès des parlementaires, ni de pressions, ni d'amendements déposés – Bernard Cazeneuve a également répondu à cette question ce matin –, ni, surtout, d'un aboutissement quelconque de ce travail auprès des députés socialistes. J'ai été député de 2002 à 2018 et il m'est arrivé de recevoir, de telle association ou de tel secteur, des amendements – parfois pour de bonnes causes – pratiquement rédigés. Je n'ai jamais beaucoup aimé cela car c'est une forme d'intrusion dans le travail parlementaire mais cela existe. La « loi Sapin 2 » régule ce type de pratiques et en interdit d'autres.

Laurent Grandguillaume, qui suivait ces dossiers, était très respecté au sein du groupe Socialiste ; je serais étonné qu'il ait laissé passer de tels amendements et qu'il ait pu se laisser impressionner par telle ou telle pression.

Le comportement d'Uber a-t-il produit des résultats ? A-t-on, par exemple, allégé les contrôles sur cette entreprise ou sur d'autres plateformes de VTC ? Non. J'ai, en revanche, retrouvé des articles de presse relatant des décisions de mon gouvernement strictement inverses, à la suite du conflit social de janvier 2016. J'ai le sentiment que la position du Gouvernement, au cours de ce conflit, qui a duré plusieurs mois, a été de plus en plus ferme vis-à-vis de ces pratiques.

Emmanuel Macron défendait des positions que je partageais parfois, par exemple au sujet de la « loi Travail ». Sans parler de jeu de rôles, il arrive que le ministre de l'Économie défende des positions différentes de celles de ses homologues de l'Intérieur ou des Transports ; à la Défense, vous ne défendez pas tout à fait les priorités du ministre du Budget. Emmanuel Macron défendait par conviction un certain nombre de positions, qui reflétaient l'attention et l'ouverture d'esprit dont il faisait preuve à l'égard de cette nouvelle économie.

Ses positions étaient connues et il n'en faisait aucun mystère. Lui et son équipe étaient favorables à une plus grande libéralisation de ce secteur, au nom du potentiel qu'elle recélait pour notre économie et pour l'emploi – surtout des personnes peu qualifiées – mais aussi pour l'image de la France. Il a défendu ce point de vue au sein du Conseil des ministres, lors des réunions interministérielles ou à l'occasion de forums nationaux ou internationaux. Il était dans son droit et dans son rôle ; ce qui comptait, de mon point de vue, c'était que les arbitrages soient rendus en fonction de choix que nous avions faits – ou que j'avais faits – sous l'autorité du Président de la République.

Je n'ai pas eu à me plaindre de positions qui nous auraient mis en difficulté. Que les discussions aient été parfois rudes – mais toujours polies et respectueuses de chacun –, c'est normal, mais elles se déroulaient dans la discrétion, sinon dans le secret des échanges entre ministres ou autour du Premier ministre.

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