Intervention de Cyrielle Chatelain

Réunion du mardi 9 mai 2023 à 21h05
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCyrielle Chatelain :

À l'entame de l'examen de ce projet de loi de programmation militaire et alors que nous étions présents hier dans nos circonscriptions pour les cérémonies du 8 mai, je voudrais à nouveau dire notre reconnaissance pour le dévouement et le courage de toutes les femmes et de tous les hommes qui ont choisi de servir au sein de nos armées. En cette Journée de l'Europe au cours de laquelle nous commémorons la déclaration de Robert Schuman qui commence par ces mots « La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent », je souhaiterais saluer les efforts accomplis pendant soixante-treize ans : soixante-treize années pour réaliser et conserver la paix en Europe ; soixante-treize années au cours desquelles des efforts massifs de désarmement ont été réalisés, notre armée s'est professionnalisée et les dépenses militaires ont baissé. Le retour actuel des conflits de haute intensité en Europe nous interroge. Pendant ces soixante-treize années, la France, fidèle à ses valeurs humanistes, a su faire reposer sa politique sur deux piliers : le premier était certes militaire mais le second était la diplomatie. À ce titre, nous regrettons la réforme du corps diplomatique qui continue de démanteler le métier de ceux qui concourent à la force de la parole de la France de par le monde. Je regrette le manque de moyens alloués au Quai d'Orsay, qui ne bénéficie pas, lui, de lois de programmation.

La résurgence de nouveaux conflits asymétriques bouleverse notre environnement géostratégique. En ce sens, il est évident que notre modèle d'armée doit s'adapter. Nous devons repenser notre armée à hauteur d'homme et de femme, en valorisant les conditions d'exercice et en poussant la féminisation et l'inclusivité. L'armée doit pouvoir se reposer sur un socle capacitaire fiable, la guerre en Ukraine ayant confirmé l'importance fondamentale du maintien en conditions opérationnelles. Cependant, la place que continue de prendre la dissuasion nucléaire nous semble tout à fait disproportionnée ; cette position paraît difficilement compatible avec le respect du principe de stricte suffisance auquel la France s'est engagée, notamment vis-à-vis du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).

Les écologistes sont par ailleurs inquiets de voir que cette LPM continue de placer l'exportation d'armements au cœur de la stratégie française, alors que plusieurs ONG ont émis de sérieuses critiques sur la place des armes françaises dans les répressions opérées par la dictature égyptienne, dans le conflit au Yémen ou celui au Liban. Il est indispensable que ces ventes fassent l'objet de davantage de contrôles : les parlementaires doivent impérativement jouer leur rôle dans ce domaine. Notre modèle de défense ne doit pas devenir une vitrine commerciale pour vendre des armes à des dictatures.

Le changement climatique représente le défi de notre siècle : en 2030, à la fin de la période couverte par la LPM, les émissions de gaz à effet de serre de la France devront avoir baissé de 50 % par rapport à 1990. Pour atteindre cet objectif, tous les secteurs doivent engager un effort massif : la défense peut d'autant moins se soustraire à cette obligation que les armées représentent le premier émetteur de CO2 de l'État.

Les écologistes ont à cœur d'assurer la continuité de l'ensemble des missions de l'État pour tous nos concitoyens. Cela nous conduit à nous interroger sur la viabilité budgétaire du projet de loi que vous nous présentez. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a indiqué dans son rapport qu'il existait une différence de 13 milliards d'euros entre les besoins programmés et les crédits identifiés. Nous exprimons une vive inquiétude quant à la manière dont cet écart sera comblé : où allons-nous trouver l'argent ? En outre, le HCFP a expliqué que les crédits couverts par les lois de programmation vont croître plus rapidement que le total des dépenses de l'État. Par conséquent, les autres dépenses, à savoir celles qui n'entrent pas dans le périmètre d'une loi de programmation, devront connaître une baisse en volume de 1,4 % entre 2023 et 2027. La contrainte sera alors plus forte que celle connue dans les dernières décennies. Il s'agit, en creux, d'une mise sous pression de l'éducation nationale, des hôpitaux, de la transition écologique et du logement, alors que la France traverse une crise sociale et énergétique particulièrement difficile et que l'inflation précarise chaque jour davantage les foyers les plus en difficulté.

Le groupe Écologiste tient à rappeler la nécessité d'avancer collectivement vers une Europe de la défense, centre de notre autonomie stratégique, garante de la paix et grande absente de ce texte. Alors que la guerre fait rage dans le continent européen, l'incertitude sur les contours du monde de demain grandit : réchauffement climatique, pandémie, nous ignorons l'avenir que nous allons offrir à nos enfants ; je ne souhaite leur laisser en héritage ni une planète détruite, ni une planète en guerre.

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