Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du jeudi 11 mai 2023 à 9h00
Garantir le respect du droit à l'image des enfants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Lutter contre les surtranspositions en matière agricole : on pourrait y voir un marronnier, tant le sujet a été abordé dans l'hémicycle – sans réelle efficacité, malheureusement. L'administration française se caractérise souvent par un excès de zèle : en interprétant les textes, elle se plaît à surtransposer certaines normes européennes, pénalisant en dernier ressort la compétitivité de la ferme France. Il s'agit là d'un excès de zèle bureaucratique.

Interdire les substances dangereuses pour protéger les agriculteurs, les consommateurs et l'environnement est une nécessité – un impératif, même. Mais interdire en France des produits qui restent autorisés ailleurs en Europe, et qui continuent d'être importés dans notre pays, c'est non seulement dangereux et sacrément hypocrite pour les consommateurs qu'inefficace pour l'environnement. Ces interdictions nuisent gravement à la compétitivité de l'agriculture française et menacent notre souveraineté alimentaire, en plaçant les agriculteurs dans des situations difficiles, voire inextricables. Nous en savons quelque chose dans l'Hérault, avec l'importation de vins espagnols issus de vignes assaisonnées de produits phytosanitaires interdits en France. Comment croyez-vous que réagissent nos viticulteurs ? Cette absurdité législative concerne pas moins de 200 caves coopératives et 18 000 exploitations viticoles dans le Gard, l'Hérault, l'Aude et les Pyrénées-Orientales.

L'Union européenne autorise l'utilisation en agriculture de 454 substances actives. Ce nombre est en diminution constante : il a diminué de près de 20 % en moins de dix ans et devrait encore baisser dans les années à venir. La France est plus stricte que l'Union européenne, puisqu'à la fin de l'année 2021 elle n'autorisait que 309 substances actives. Bref, seules 68 % des substances actives autorisées et utilisées en Europe sont agréées en France.

Ainsi, au sein même du marché européen, les agriculteurs français avancent avec un sacré boulet au pied : ils n'ont pas le droit d'utiliser les mêmes substances que leurs voisins, sans que les produits agricoles desdits voisins soient le moins du monde pénalisés lorsqu'ils sont vendus en France – cherchez l'erreur. Ils subissent d'ailleurs une double peine, car les solutions alternatives aux produits interdits sont souvent plus chères ou, dans le pire des cas, inexistantes, ce qui place les paysans français dans une impasse technique. Il en résulte une baisse de rendement et, par conséquent, une perte de compétitivité.

J'ai mentionné les viticulteurs ; j'aurais pu également évoquer la filière arboricole, qui a recours à l'aspersion pour contrecarrer les effets désastreux du gel sur les récoltes. Las ! Selon un rapport sénatorial de septembre 2022 relatif à la compétitivité de la ferme France, « nombre de projets sont aujourd'hui bloqués […] par certaines contraintes réglementaires […]. En revanche, ces pratiques ne posent aucun problème dans d'autres pays d'Europe, où les tensions relatives à l'eau sont pourtant plus importantes qu'en France. »

Face à ce constat, prenant acte que ces interdictions ne protègent pas les consommateurs français, nous devons instaurer une règle simple : la réciprocité. Ce principe devrait d'ailleurs nous guider non seulement en matière agricole, mais dans toutes nos politiques. En effet, les mesures miroirs, qui permettraient d'imposer aux produits importés les mêmes normes qu'aux produits français, constitueraient un moyen efficace de rectifier la distorsion de concurrence, non seulement avec les autres membres de l'Union européenne, mais aussi avec les agriculteurs hors Union européenne, qui ne sont pas contraints de respecter l'ensemble de nos règles. Elles seraient d'autant plus utiles que l'Union européenne négocie des accords de libre-échange facilitant l'entrée sur le marché européen de produits dont le processus de production n'est pas conforme aux règles en vigueur en France.

Le Pacte vert pour l'Europe et son volet agricole, en promouvant la stratégie « de la ferme à la table », renforcent les exigences environnementales appliquées à l'agriculture européenne, en vertu du sacro-saint principe de précaution consacré par l'article 191 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Très bien, à condition que cela ne soit pas toujours nos paysans qui trinquent !

Au sein de la commission de l'environnement du Parlement européen, un compromis semble émerger – et c'est tant mieux – pour inclure dans le règlement sur l'usage durable des pesticides la possibilité d'appliquer les normes européennes aux produits importés grâce à ces fameuses mesures miroirs. Il est également prévu de systématiser la suppression des tolérances à l'importation pour les pesticides interdits dans l'Union européenne pour des raisons environnementales et non plus seulement à ceux interdits pour des raisons sanitaires. Peut-être allons-nous enfin pouvoir avancer !

Je voterai bien évidemment cette résolution, même si je regrette que nous ne soyons pas plus ambitieux.

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