Intervention de Damien Bon

Réunion du jeudi 13 avril 2023 à 14h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Damien Bon, ancien président-directeur général de la plateforme Stuart France :

L'entreprise Stuart a été créée à la fin de l'année 2014 et je l'ai rejoint à la fin 2015. En mars 2017, elle a intégré le groupe Geopost ; c'est à cette occasion que les fondateurs ont quitté l'entreprise et que j'ai pris la direction du groupe.

Si la société a donc été créée en 2014 par Benjamin Chemla et Clément Benoît en France, elle a connu très rapidement une phase d'internationalisation. La mission de la société est de permettre à des commerces locaux, c'est-à-dire des entreprises ayant une activité de commerce dans des centres et milieux urbains, de proposer une livraison rapide, tout en conservant l'actif qui leur est le plus cher, leur clientèle. Contrairement à des modèles aujourd'hui dominants dans le marché de la livraison locale comme Uber ou Deliveroo, Stuart n'est pas une place de marché. Elle ne propose pas au consommateur une application pour effectuer un achat de livraison de restauration à domicile.

Stuart est donc une plateforme d'intermédiation de type « B to B » où le consommateur est livré sur requête d'un donneur d'ordre professionnel, c'est-à-dire un commerce physique. La vocation et le positionnement métier de Stuart sont réellement différents de ceux d'Uber, même si Uber et Deliveroo ont marqué leur volonté d'ouvrir leur réseau logistique en marque blanche pour concurrencer directement l'offre de Stuart sur le marché.

L'entreprise s'est rapidement développée en Espagne où l'un des fondateurs était basé, et en Grande-Bretagne. J'ai d'ailleurs rejoint la société avec pour mission première de développer le marché britannique, au début de l'année 2016. Aujourd'hui, l'internationalisation de Stuart est un réel succès, puisque la majorité du volume et du chiffre d'affaires de la société s'effectuent hors de France. Le marché britannique représente ainsi le premier volume d'affaires du groupe, de très loin. Peu de sociétés ont récemment connu un tel niveau de croissance à l'international, et notamment sur le territoire britannique à partir de la France

Stuart n'est donc pas une place de marché mais elle bénéficie d'une forte composante technologique : une grande partie des effectifs est composée d'ingénieurs et de développeurs, qui travaillent sur le produit pour permettre une intermédiation en temps réel à chaque demande de course et pour offrir une offre de transport.

Plus récemment, une offre de livraison a été développée au départ de micro-dépôts urbains, pour permettre aussi aux entreprises qui disposent de stocks à proximité des villes de pouvoir utiliser un réseau de logistique du dernier kilomètre, afin de livrer dans la journée ou le lendemain, sur des créneaux plus précis. L'idée consiste ainsi de rapprocher la marchandise du centre-ville, pour effectuer le dernier mètre ou le dernier kilomètre, avec un mode de transport écoresponsable le plus léger possible. En effet, les émissions sont souvent proportionnelles au poids du véhicule utilisé. Stuart essaye donc de mettre en place des solutions logistiques pour réduire son impact environnemental, dans le cadre d'une logistique durable.

En résumé, deux activités coexistent au sein du groupe Stuart : une activité de plateforme d'intermédiation et une activité effectuant des livraisons au départ de micro-dépôts urbains ; cette dernière ayant un statut de commissionnaire de transport. À ce titre, j'étais responsable du volet international du groupe, c'est-à-dire sa présence en Grande-Bretagne, France, Espagne, Portugal, Pologne et Italie. J'ai quitté la société depuis quelques semaines.

À présent, je vais essayer de reprendre les questions qui m'ont été adressées dans l'ordre. Les Uber files concernaient essentiellement la période 2014-2017, mais je ne suis pas particulièrement connaisseur de la situation d'Uber. Il est exact que des discussions sont intervenues entre les plateformes et les pouvoirs publics. Je sais que mes prédécesseurs chez Stuart avaient ainsi échangé avec le Gouvernement, dès la « loi El Khomri », pour la définition de la responsabilité sociale d'une plateforme. Ces discussions se sont ensuite poursuivies en 2017 lors du premier mandat d'Emmanuel Macron.

S'agissant du modèle des livreurs, notre activité d'intermédiation met en relation un donneur d'ordre, le commerçant, et une offre de livraison. En Espagne, nous avons dû adapter notre modèle en 2021, à la suite de la fameuse loi Rider Law, qui crée une présomption de salariat là où existait auparavant une présomption d'indépendance pour la classe d'actifs appelée autónomos. Je pourrai y revenir si vous le souhaitez.

En France, la société travaille avec des sociétés qui sont toutes indépendantes de notre plateforme. Les statuts de ces sociétés sont très majoritairement de deux types : d'une part, la microentreprise ou l'autoentrepreneuriat ; et d'autre part des sociétés constituées de leurs propres salariés. Cette nuance est spécifique à la France : on ne la retrouve pas, par exemple, en Angleterre, où nous travaillons avec des indépendants de structure unipersonnelle, tel que le statut de self-employed les définit en Angleterre.

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