Intervention de Sébastien Mathouraparsad

Réunion du vendredi 24 mars 2023 à 14h00
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Sébastien Mathouraparsad :

L'évolution statutaire ou institutionnelle est un point éminemment important. Elle permettrait d'améliorer le quotidien des populations d'outre-mer.

Quant à la façon de construire ces institutions selon le modèle le plus efficace possible, il faut y réfléchir collectivement avec les politiques, les juristes, les économistes et toutes les bonnes volontés. Il convient de prendre le temps de soupeser chaque situation.

En tant qu'économiste, il me semble important de veiller à ce que la qualité des institutions économiques soit aussi grande que possible, de manière à garantir leur efficacité. Si les responsables politiques ont plus de pouvoirs, ils pourront en théorie prendre de meilleures décisions, mais il se peut qu'elles ne soient pas efficaces. Si l'évolution institutionnelle se produit, on pourrait envisager de concevoir, en amont, des règles économiques permettant de soutenir le politique et de l'orienter vers une prise de décision efficace. Je l'ai vu au ministère : il est toujours difficile de prendre une décision, car on est tiraillé. C'est pour cela que je respecte beaucoup la décision du politique : c'est un travail d'équilibriste. Fixer des règles économiques permettrait aux décideurs de prendre de meilleures décisions.

Par exemple, à l'échelon européen, il a été décidé de ne pas dépasser 2 % d'inflation. En dehors de la période de crise que nous connaissons, nous arrivions à respecter cette règle économique, alors même qu'elle concerne l'ensemble de l'Europe et des centaines de millions d'habitants et que, soit dit en passant, personne ne sait exactement pourquoi ce doit être 2 % et non pas 3 %… Nous parvenons aussi à respecter la règle des 3 % du PIB s'agissant du niveau de la dette publique. De la même manière, dans le cadre de l'évolution institutionnelle, on pourrait imaginer des règles que l'on essaierait constamment de respecter. Il pourrait s'agir, par exemple, de faire passer le taux de pauvreté monétaire de Mayotte de 55 % à 50 %. On donnerait aux décideurs un ensemble de leviers pour le faire, mais ils pourraient conduire leur politique comme ils l'entendent, conformément à la liberté que suppose la démocratie. Dans le cadre de ce nouveau paradigme, il faudrait imaginer des façons de procéder inédites. La référence à l'appel de Fort-de-France m'a fait penser à la tribune récente de Patrick Chamoiseau intitulée « Faire-pays – éloge de la responsabilisation ».

L'idée de redistribuer le produit de la TVA aux ménages pauvres va un peu dans le même sens : il s'agit de subordonner des dispositifs à l'atteinte de certains objectifs. Si l'on arrivait à adopter une telle démarche, on améliorerait peut-être le système. En tout cas, ce serait toujours mieux que la manière dont on procède en ce moment : il n'y a pas vraiment de contraintes pour la prise de décisions, les effets de ces dernières sont simplement constatés, on les déplore puis de nouvelles décisions viennent pallier les problèmes par à-coups. Il faut vraiment réfléchir à une nouvelle façon de mener les politiques économiques. Je sais que l'exercice est très compliqué, mais les économistes et les juristes peuvent travailler avec les politiques pour essayer de construire cette évolution.

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