Intervention de Camille Grand

Réunion du jeudi 13 avril 2023 à 10h35
Commission des affaires étrangères

Camille Grand, chercheur et directeur du programme « Défense, sécurité et technologie » du Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), ancien Secrétaire général-adjoint de l'OTAN :

Je crois qu'il était important de citer ces exercices car la capacité à s'entraîner ensemble et à garantir l'interopérabilité, entre les alliés et parmi les pays européens, est essentielle. Je me félicite donc de la multiplication de ce type d'exercices « grandeur nature ». Il est important que la France y prenne toute sa part : c'est à la fois un signal politique et un terrain de démonstration de nos savoir-faire. L'élargissement de certains de nos extérieurs à nos partenaires européens ou à l'OTAN présente aussi un intérêt en soi. Nous l'avons vu récemment à travers l'exercice Orion par exemple.

Pour avoir expérimenté de l'intérieur l'articulation entre l'OTAN et l'Europe, je ne crois pas qu'il y ait une contradiction absolue entre la thématique de l'autonomie stratégique ou de souveraineté européenne et l'appartenance à l'Alliance atlantique. Il faut cependant penser cette articulation, ce qui ne va pas de soi. D'abord parce que les définitions de l'autonomie stratégique varient suivant les domaines considérés, les moments et la façon dont on en parle. Cette notion ne prend pas le même sens suivant qu'on parle de la production de vaccins, de microprocesseurs ou qu'on affirme la volonté de prendre en charge seuls la défense de l'Europe. Il est donc important de formuler nos ambitions de manière claire.

Je crois profondément que l'affirmation d'une souveraineté européenne et d'une Europe plus forte, plus active, peut être exprimée à l'OTAN dès lors que nous sommes clairs du point de vue de notre appartenance à l'Alliance atlantique. Telle est la tension qu'il faut parvenir à rendre palpable. Cela me semble être le choix traditionnel de la France, qui a toujours constitué un allié fiable de l'OTAN lors des grandes crises depuis 1949. La réaffirmation de ce message sera de nature à entraîner nos partenaires européens et à les rassurer, alors qu'ils ont parfois la crainte que notre discours prenne le tour d'une prophétie auto-réalisatrice en poussant les Américains hors d'Europe, ce que la grande majorité d'entre eux redoute très fortement. Nous devons donc travailler à la fois le discours politique et la posture militaire, afin que ces deux dimensions soient bien articulées.

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