Intervention de Arthur Delaporte

Séance en hémicycle du mercredi 3 mai 2023 à 15h00
Répression du mouvement social contre la réforme des retraites

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArthur Delaporte :

Avant toute chose, je souhaite rappeler solennellement que le groupe Socialistes et apparentés condamne avec la plus grande fermeté les violences exercées contre les forces de l'ordre dans l'exercice de leurs fonctions – un exercice parfois très difficile, nous le savons. Être caillassés ou agressés par une minorité d'individus qui, par leurs comportements inacceptables, nuisent au mouvement social tout entier, alors qu'il leur faut assurer la protection des manifestants, telle est aussi la réalité du quotidien des policiers et gendarmes.

Une fois cette évidence réaffirmée, nous pouvons tenter d'avoir une discussion de fond sur la gestion politique des manifestations contre l'injuste réforme des retraites. Dans une République dépourvue de fusible, c'est l'institution policière qui se retrouve en première ligne. Pourtant, on ne peut se contenter de faire porter une responsabilité qui est d'abord politique – la vôtre, monsieur le ministre délégué chargé des outre-mer – sur ceux qui incarnent individuellement cette institution. Tel est l'objet de notre débat.

« Ma fille de 25 ans se trouvait avec des amis dans des rues proches du passage des manifestants. À deux reprises, dans deux rues différentes, à deux moments distincts, alors qu'ils marchaient tranquillement, ils ont été chargés par des CRS leur criant de dégager. Bloqués par d'autres CRS, ils ont levé les mains en l'air et reçu des coups de matraque sur leurs mains et leurs cuisses. Certains policiers en civil – doudoune noire, jean et oreillettes – sortaient parfois de nulle part, immobilisaient des adolescents, les frappaient à terre, les menottaient ».

Autre témoignage reçu sur Twitter : « Bonjour monsieur le député, je n'ai pas l'habitude de faire cela, mais je pense que vous envoyer un message directement est la chose la plus sensée. Je suis Samy [son prénom a été modifié], 19 ans, étudiant à l'université. Comme à chaque rassemblement, je fais partie des citoyens qui descendent dans la rue pour se faire entendre. Et, aujourd'hui, je me retrouve avec une jambe à la limite d'être paralysée [en raison d'] une grenade de désencerclement qui a littéralement explosé sur mon tibia. Je ne vous envoie pas ce message pour me victimiser mais pour qu'un député de la République me dise ce que je dois faire. » Monsieur le ministre délégué, que dois-je lui répondre ?

Ces témoignages ne sont seulement qu'un échantillon des nombreux récits reçus depuis le début de la mobilisation contre la réforme des retraites. Chaque fois, ils nous glacent. Chaque fois, c'est une fois de trop. Ces personnes citées ne sont pas de dangereux révolutionnaires ou des black blocs – du reste, lesquels d'entre eux contacteraient un député socialiste ? –, mais bien de simples manifestants qui voulaient seulement exercer un droit modestement garanti par notre Constitution.

Ces témoignages révèlent l'inquiétant danger que représente la doctrine de maintien de l'ordre promue et défendue sans aucune véritable remise en question par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, mais aussi par le Président de la République. Pratique des nasses contraire aux règles fixées par le Conseil d'État, usage excessif de gaz lacrymogènes, RIO – référentiel des identités et de l'organisation – invisibles, tirs de LBD – lanceurs de balles de défense –, observateurs indépendants empêchés d'accéder au terrain du maintien de l'ordre, arrestations et gardes à vue massives dénuées de fondement ou improvisées, interdictions de manifester, voire d'utiliser des casseroles – ou plutôt, devrais-je dire, des « dispositifs sonores portatifs »… De la violence symbolique et politique à la violence physique, ce mouvement social a été sévèrement réprimé. Qui peut le nier ?

Toutes les polices d'Europe font face à des mouvements violents – bien souvent à l'initiative de mouvances d'extrême droite, d'ailleurs.

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