Intervention de Sacha Houlié

Réunion du mercredi 5 avril 2023 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSacha Houlié, président :

Monsieur le ministre de l'intérieur et des outre-mer, il appartient au Parlement, parmi ses missions constitutionnelles, de contrôler l'action du Gouvernement. Depuis le 16 mars dernier, nous avons constaté la recrudescence des manifestations non déclarées, donc illégales, qui ont donné lieu à des troubles graves à l'ordre public. Pour les encadrer mais aussi les contenir, différentes unités du ministère de l'intérieur ont été mobilisées.

Dès les premières difficultés, j'ai souhaité que la commission des lois procède à votre audition afin de comprendre la stratégie de maintien de l'ordre déployée par votre ministère. Je souhaite rappeler, en préalable, que l'État détient le monopole de la violence légitime afin de défendre le contrat social qui nous unit. Ce recours à la force publique s'exerce dans des limites de proportionnalité et de nécessité.

Nous souhaitons vous entendre sur les événements violents survenus à Paris et dans plusieurs villes de province et qui ont débouché sur l'interpellation d'individus participant à des attroupements violents non déclarés, provoquant parfois des incendies volontaires. À cette occasion et lors des interpellations réalisées, plusieurs enregistrements vidéo ou audio ont mis en lumière des violences commises par des policiers, principalement à Paris, des propos discriminatoires ou des comportements humiliants nous semblant excéder le cadre légal. Selon le préfet de police de Paris, ces actes ont conduit à des saisines de l'Inspection générale de la police nationale.

Parallèlement, et postérieurement à la demande d'audition que je vous ai présentée, sont survenus des événements d'une extrême gravité à Sainte-Soline, dans le département des Deux-Sèvres, au motif de la contestation de la construction de réserves de substitution. Ce rassemblement identifié à hauts risques, organisé par trois collectifs du 24 au 26 mars dernier, était non déclaré et donc interdit, selon les termes du rapport de la préfète des Deux-Sèvres. Cette interdiction n'a pas été contestée devant le juge administratif, contrairement à l'arrêté du 17 mars 2023 portant interdiction temporaire du port et du transport d'armes, de munitions et objets pouvant constituer une arme par destination, arrêté qui a été attaqué par plusieurs organisations comme la Ligue des droits de l'homme, la Confédération paysanne, UD CGT 79 et Solidaires 79.

Les rapports de la préfecture et de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) font état de trois cortèges de 2 000 personnes chacun, dont deux composés d'éléments radicaux procédant rapidement à des attaques contre la gendarmerie à coups de cocktails Molotov et de tirs tendus de mortiers d'artifice ayant conduit au déclenchement de l'usage de la force. D'après le rapport de la préfète des Deux-Sèvres, il apparaissait clairement que l'objectif n'était pas d'entourer le chantier de la réserve, mais d'attaquer les forces de l'ordre en causant le plus de dommages humains et matériels possible. Par ailleurs, selon le rapport de la DGGN, quel que soit le site à préserver, ce déchaînement de violence organisé et coordonné visait à mettre en échec la capacité à maintenir l'ordre public et à assurer la protection des institutions.

Ces rapports décrivent l'arsenal de ces 800 à 1 000 individus radicaux fortement équipés, dont 400 à 500 black blocs expérimentés et ultraviolents, se coordonnant par talkies-walkies et mégaphones, faisant usage d'un grand nombre de cocktails Molotov, de mortiers d'artifices, de mélanges incendiaires à retardement, de pierres ou de frondes à bille d'acier ainsi que de bouteilles de gaz, de chalumeaux et d'une disqueuse de chantier.

En réponse, la gendarmerie indique avoir utilisé 5 015 grenades lacrymogènes, 89 grenades de désencerclement et 40 dispositifs déflagrants. Le peloton motorisé d'intervention et d'interposition a procédé à 81 tirs de LBD (lanceur de balles de défense), dont deux non touchants. Ces cas ont fait l'objet d'une enquête administrative de l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), qui considère que face à un niveau de violence extrême, aux assauts massifs d'individus déterminés et protégés des effets des gaz lacrymogènes par leurs masques, il a été fait un usage proportionné des grenades de désencerclement et des LBD.

Enfin, les rapports pointent la carence des organisateurs dans l'organisation des secours, laquelle a dû être palliée par l'État. Le bilan humain est extrêmement lourd, car on dénombre 47 blessés parmi les gendarmes, dont 2 en urgence absolue, et entre 17 et 200 blessés selon les différents décomptes parmi les manifestants, dont 3 en urgence absolue.

Une polémique est apparue concernant l'intervention des secours. Il ressort des différents rapports que ces derniers ont réalisé leur mission dans un contexte rendu difficile par l'impossibilité de dépêcher des intervenants, Samu et pompiers, sans garantir leur sécurité ; par le fait que l'escorte de gendarmerie a été prise à partie par les intervenants, ce qui n'a cependant pas empêché un médecin de la gendarmerie de porter secours à un participant gravement blessé ; par la localisation incertaine et imprécise de certains blessés, faute de repères partagés avec les organisateurs ; et par les sollicitations nombreuses de blessés légers ne nécessitant par l'intervention du Samu.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé la dissolution de l'un des trois organisateurs de la manifestation illégale de Sainte-Soline, Les Soulèvements de la terre. Quelles raisons vous conduisent à prendre cette mesure spécifiquement à son égard ?

Vous avez constaté la carence grave des organisateurs. Quelles sont les actions en responsabilité qui seront entreprises par l'État à leur encontre ?

Vous avez constaté la présence de nombreux radicaux et black blocs étrangers. Quel est le suivi réalisé par nos services de renseignement et comment se coordonnent-ils avec les services étrangers pour les identifier, les interpeller et empêcher toute réitération ?

Enfin, nous déplorons certains actes excédant l'usage strictement nécessaire et proportionné de la force publique. Pouvons-nous connaître le nombre d'actes concernés, la durée approximative des procédures, les conséquences que vous en tirez et les suites qui seront données, notamment l'effectivité des sanctions qui seront prises ?

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