Intervention de Philippe Berta

Séance en hémicycle du mercredi 5 avril 2023 à 21h30
Contrer le recul de la culture scientifique à l'école au sein de l'État et dans nos politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Berta :

La crise sanitaire a confirmé les faiblesses de la qualité de l'information scientifique face à la propagation des fausses informations, dont les complotistes et les fanatiques se sont emparés pour mieux les « viraliser ».

Pourtant, on ne badine pas avec la science. Au-delà des savoirs et des connaissances élémentaires, la culture scientifique enjoint d'expliquer le fonctionnement des sciences au pluriel, qu'elles soient fondamentales, cliniques, humaines ou sociales. La culture scientifique ouvre la voie à l'esprit critique, à l'esprit des sciences et à leur temporalité, mais aussi au doute intrinsèque à la recherche. Elle incarne l'échange et le grand partage, elle favorise l'égalité entre les femmes et les hommes et contribue à résorber les inégalités socio-économiques et territoriales.

La culture scientifique forge l'humilité dans l'appréhension des phénomènes sociaux, sanitaires, technologiques, écologiques et même démocratiques. Elle forge aussi l'humilité dans la manière d'aborder le monde qui nous entoure, qu'il soit social ou environnemental. Elle devrait surtout forger l'humilité lorsqu'il est question de la retranscrire dans un discours politique.

En tant que rapporteur pour avis du budget de la recherche sur le projet de loi de finances pour 2023, j'ai consacré la partie thématique de mon rapport à la culture scientifique, et je me suis senti bien seul. La commission des affaires culturelles et de l'éducation a mené une vingtaine d'auditions sur ce thème si essentiel et produit un rapport à la suite de ses échanges nourris avec les associations de culture scientifique, le réseau des vice-présidents Science et société des universités, les chercheurs – socio-anthropologues, astrophysiciens, mathématiciens, biologistes –, les établissements de recherche, les agences de financement de la recherche, les éditeurs scientifiques, les influenceurs scientifiques, les directions ministérielles, les fondations et les instituts privés, et, bien sûr, les industriels. Des académiciens aux bénévoles associatifs en passant par les doctorants et les chercheurs, tous œuvrent quotidiennement à la diffusion de la culture scientifique, à laquelle il faut ajouter la culture technologique, industrielle et sanitaire.

Car la culture scientifique embrasse une pléthore de domaines d'activité et d'acteurs, et environ 1 740 structures sur le territoire, qui vont d'associations d'animation scientifique et d'éducation populaire et de tiers-lieux aux grands musées, en passant par les muséums, les aquariums et autres planétariums, sans oublier les établissements publics de recherche, les entreprises et les acteurs de l'artisanat, ainsi que les collectivités territoriales, essentiellement régionales. Tous les acteurs de la culture scientifique constituent les garde-fous essentiels de la démocratisation des savoirs et de la paix sociale, sur lesquels reposent notre humanité et la planète qui l'abrite.

Or, malgré quelques soubresauts et une volonté plurisectorielle et pluridisciplinaire, faute de pilotage national, de visibilité et de lisibilité, la culture scientifique est encore trop fragile, des cours d'école au plus haut niveau de l'État. Le niveau scientifique moyen de la population ne cesse de s'affaiblir, ce qui nuit du même coup à l'attractivité des métiers de la recherche et de l'ingénierie, dont nous avons tant besoin, et favorise un scepticisme métastasé à l'endroit des faits scientifiques, et souvent une interprétation à géométrie variable des résultats de la recherche, une manipulation des faits scientifiques. Resurgissent alors les vieilles croyances des platistes et de ceux qui pensent l'astrologie comme une science.

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