Intervention de Patrick Hetzel

Séance en hémicycle du mercredi 5 avril 2023 à 21h30
Contrer le recul de la culture scientifique à l'école au sein de l'État et dans nos politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Hetzel :

Contrer le recul de la culture scientifique, voilà un bien vaste programme.

Avant tout, je voudrais, sur un tel sujet, rendre hommage à des visionnaires et des précurseurs en la matière. Je pense aux trois scientifiques de métier qui voulaient que l'école rende justice à la joie d'apprendre et à la curiosité des jeunes enfants en convainquant les professeurs des classes primaires d'amener leurs élèves à faire de la science et à mettre eux-mêmes la main à la pâte, ce qui devenait source de joie pour l'enfant comme pour son maître. Vous les aurez reconnus : il s'agit de Georges Charpak, prix Nobel de physique en 1992, de Pierre Léna, astrophysicien, et d'Yves Quéré, physicien. Tous trois étaient membres de l'Académie des sciences. Ce trio, à l'origine de la fondation La Main à la pâte, a joué un rôle essentiel pour remettre les sciences en phase avec l'enfant, avec son désir profond de découvrir et de comprendre, et avec la volonté des enseignants de faire aimer l'école et les sciences à leurs élèves. Ils ont montré qu'il n'y avait pas de remède miracle pour faire aimer les sciences, mais qu'il existait des méthodes et des approches permettant d'inverser la tendance du recul de la culture scientifique dans notre pays. Ma première question est donc très simple : pourquoi ne pas développer davantage tout ce qui est proposé par cette formidable fondation qu'est La Main à la pâte ?

Venons-en maintenant au socle de connaissances et de compétences que tout jeune Français devrait maîtriser en matière scientifique et technologique. Nous le savons tous, les sciences expérimentales et les technologies ont pour objectif de comprendre et de décrire le monde réel, celui de la nature, celui construit par l'homme ainsi que les changements induits par l'activité humaine. Leur étude contribue à faire comprendre aux élèves la distinction entre faits et hypothèses vérifiables d'une part, opinions et croyances d'autre part. Pour atteindre ces buts, l'observation, le questionnement, la manipulation et l'expérimentation sont essentiels dès l'école primaire, dans l'esprit de La Main à la pâte, qui donne le goût des sciences et des techniques dès le plus jeune âge ; on voit que cela produit des résultats.

Les élèves doivent pouvoir comprendre que les sciences et les techniques contribuent au progrès et au bien-être des sociétés. En somme, il importe que les élèves se constituent une culture scientifique de base pour comprendre les grandes lois qui régissent l'univers, notre planète ainsi que notre corps. Sans une culture scientifique et technique suffisante, nos enfants seraient laissés sans repères dans un monde que la science et la technique façonnent pourtant de plus en plus. Ils seraient par la suite incapables d'agir sur lui et de le transformer. Ma deuxième question au Gouvernement porte donc sur les moyens qui sont déployés par l'éducation nationale, et par l'État en général, pour s'assurer de la bonne transmission des connaissances et des compétences scientifiques auprès des élèves durant tout leur parcours scolaire. Dans le même ordre d'idée, quels sont les outils utilisés pour évaluer la véritable acquisition des connaissances scientifiques et techniques au fil de la scolarité, de l'école primaire jusqu'au lycée ?

Enfin, je voudrais aborder un risque actuel très important : celui du décrochage de la recherche scientifique française. Les réformes successives en matière d'enseignement des sciences et des mathématiques ont conduit à un violent changement de paradigme, sous prétexte de s'adapter au goût des jeunes et de favoriser l'égalité. Ainsi, prévalent de plus en plus le zapping, la leçon de choses ou, au mieux, l'éveil de la curiosité. Comme le mentionne fort justement Michel Spiro, le président de la Société française de physique, désormais, l'appropriation et l'approfondissement des connaissances scientifiques ont la portion congrue, même dans les parcours dits scientifiques du lycée. Certes, il est positif d'avoir augmenté la population d'élèves approchant une formation scientifique et d'essayer d'éveiller l'appétit des jeunes pour les sciences. On ne peut que s'en réjouir. Toutefois, j'aimerais savoir pourquoi la partie réservée à la capacité à modéliser, à mettre en équation, à simuler et analyser les résultats d'une pratique scientifique expérimentale est de plus en plus réduite au collège, et même au lycée depuis la dernière réforme. Cela doit nous interroger collectivement, car le lycée prépare à l'enseignement supérieur.

Vous l'aurez compris, la culture scientifique constitue un socle essentiel dans toute société moderne et démocratique. L'enjeu du savoir reste un véritable combat. Nous devons collectivement nous en saisir. J'espère que nous aurons des réponses substantielles aux trois grandes questions que je viens de poser.

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