Intervention de Johnny Hajjar

Séance en hémicycle du mardi 4 avril 2023 à 21h30
Impact de l'écologie punitive sur l'inflation et le pouvoir d'achat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJohnny Hajjar :

L'impact de l'écologie punitive sur l'inflation et le pouvoir d'achat constitue un thème de débat non moins surprenant qu'orienté. L'idéologie politique sous-jacente est claire : suprématie de l'argent, prédation de l'homme par l'homme, domination d'une minorité de possédants et soumission de la très grande majorité des peuples subissant une mondialisation qui les méprise et les avilit. Nous pouvons ainsi considérer cette idée reçue comme populiste, suivant la définition du populisme par Aimé Césaire : « une pratique à base de négativisme », « la culture systématique de tous les mécontentements, même les plus minimes, l'exploitation éhontée de toutes les aigreurs, de toutes les impatiences, de toutes les irritations même les plus injustifiées ou les plus épidermiques, avec pour but la déstabilisation ou la démoralisation de tout un peuple ainsi rendu perméable à tout catastrophisme et disponible pour tout catastropheur ».

Afin de bien comprendre cette qualification, une exégèse de cette affirmation péremptoire, dénuée de toute humanité et de toute universalité, s'impose. Étymologiquement, l'écologie est l'étude de l'habitat : au sein d'un écosystème interdépendant et durable, protéger son habitat, c'est protéger l'homme : il faut protéger la nature pour protéger l'homme, protéger l'homme en protégeant la nature. On ne peut dissocier l'homme de la nature ni la nature de l'homme. C'est donc un mot noble que l'écologie, qui se trouve pourtant accolé à l'adjectif « punitif », un mot fort qui renvoie à l'idée de faute, de culpabilité, de condamnation. Quel paradoxe, quelle contradiction, quel contresens que de vouloir associer ces deux mots et faire croire qu'il existe vraiment une écologie punitive ! La véritable punition, certes sévère, irréversible, serait le châtiment de notre inaction face à la destruction, dans un assourdissant silence, de notre habitat naturel !

Prenons l'exemple de la Martinique. Ce territoire insulaire exigu, plein de vie, est en butte à la montée des eaux, qui gagnent en moyenne un mètre chaque année ; les populations résidant sur le littoral doivent être déplacées, mises à l'abri, et le phénomène s'accélère. Les sécheresses deviennent plus intenses : en 2080, les précipitations auront diminué de 10 à 15 %. Le dépérissement des coraux, l'augmentation et l'intensification des catastrophes naturelles, l'acidification des océans, sont des conséquences déjà très visibles de la détérioration de notre écosystème. Ce qui est punitif, c'est de s'abstenir de réguler, de laisser libre cours aux activités humaines, industrielles, comme dans le cas de l'empoisonnement au chlordécone, d'ailleurs assez révélateur : pendant des dizaines d'années, l'État et les grands planteurs ont fermé les yeux sur les effets dévastateurs de cet insecticide, en vertu d'une logique productiviste fondée sur le profit et au détriment de la santé, du social, de l'environnement, voire du développement économique.

Ce serait du reste un contresens économique que de ne pas préserver nos richesses naturelles de l'épuisement, de les priver de la possibilité de se renouveler, en ne cherchant pas d'autres solutions. Il est vrai que vous n'en êtes plus à une contradiction près : affirmer qu'il existe un impact de l'écologie punitive sur l'inflation et le pouvoir d'achat revient à laisser entendre que l'écologie serait une cause des difficultés des ménages. Quelle logique, quelle conclusion irréfléchie et simpliste ! Autant couper les quatre pattes à une grenouille, lui ordonner de sauter et, comme elle ne bouge pas, en déduire que la perte de ses pattes l'a rendue sourde – sans jamais regarder ni les problèmes ni leurs causes réelles, profondes.

C'est tromper le peuple que de le manipuler contre lui-même. Votre discours est manifestement au service d'un ultralibéralisme qui privilégie le consumérisme, le matérialisme, l'argent – lequel devrait constituer un moyen et non un but –, aux dépens du bien-être, du bien-vivre ensemble, de l'épanouissement individuel et collectif, du progressisme. Ce qui a vraiment un impact punitif sur le pouvoir d'achat des masses populaires, c'est le fait que l'inégale répartition de la richesse créée s'opère au détriment de la grande majorité des peuples et au bénéfice d'une catégorie très restreinte de privilégiés. Le concept d'écologie punitive relève de l'inconscience, de l'irresponsabilité politique, de l'atrophie du cortex cérébral : comment l'homme pourrait-il se sauver de lui-même sans sauver la nature dont il fait partie ?

D'une manière sournoise, dangereuse, ce concept tente donc de renverser l'échelle de nos valeurs. Pour cette raison, nous nous devons, en termes d'éthique politique, de rappeler que le progrès au sens humain et écologique du terme passe par un changement de nos comportements, de notre mode de vie, si nous ne voulons pas disparaître, si nous voulons transmettre à nos enfants une espérance, la perspective d'un avenir meilleur, ainsi qu'un habitat naturel protégé, c'est-à-dire d'un monde préservé et encore vivable.

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