Intervention de Manuel Lafont Rapnouil

Réunion du jeudi 26 janvier 2023 à 11h30
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Manuel Lafont Rapnouil, directeur du Centre d'analyse, de prévision et de stratégie (CAPS, ministère de l'Europe et des affaires étrangères) :

Je ne pense pas être le bon interlocuteur : mon métier consiste plus à travailler sur des concepts qu'à mener des enquêtes sur des cas précis. Le CAPS s'efforce, au-delà des exemples concrets, de discerner des traits récurrents et des changements de tendance. Nous ne menons pas de travail systématique pour distinguer les vulnérabilités des uns et des autres ; mais d'autres le font.

Pour autant, il est par exemple évident que l'Allemagne est aujourd'hui traversée par un débat portant sur sa dépendance économique vis-à-vis de la Chine, sans parler de la dépendance énergique qui existait et existe toujours partiellement vis-à-vis de la Russie. En elle-même, cette dépendance n'est pas nécessairement la conséquence d'une politique d'ingérence ou d'influence mais elle témoigne d'une politique étrangère réaliste et parfois agressive, une politique de hard power.

Au-delà, il est pertinent de s'interroger sur la traduction de ces vulnérabilités à un niveau plus granulaire, par exemple sur la manière dont une partie des personnels politiques, des dirigeants économiques, des journalistes et universitaires sont ciblés.

La dépendance à la Chine n'est pas propre à l'Allemagne ; les discussions sur Huawei et la 5G ont par exemple concerné à peu près tous les pays en Europe. De manière assez frappante, les Chinois ont mis en place le groupe des « 16+1 » pour encourager la coopération entre la Chine et des pays d'Europe centrale et orientale. Il s'agissait là d'une tentative de créer un cadre leur permettant de mener une politique dans ces pays et d'obtenir une économie d'échelle dans leur stratégie d'influence en facilitant la promotion d'une politique d'investissement et de prise de contrôle d'actifs existant par ailleurs.

Par ailleurs, de nombreux pays ont acheté le logiciel Pegasus de l'entreprise israélienne NSO et se sont par la suite intéressés à des partenaires européens. Parmi ces pays figurent notamment des pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient qui cherchaient à comprendre le débat national dans un certain nombre de pays européens sur des sujets qui les intéressaient.

Le cadre supranational peut effectivement être évoqué à l'aune de l'enquête de corruption qui semble mettre en cause le Qatar et le Maroc vis-à-vis du Parlement européen. De fait, il existe de nombreuses manières de mener une politique d'influence au sein des organisations internationales. Une fois que des positions sont obtenues par un pays au sein des instances, il lui est ensuite possible de pousser des sujets qui l'intéressent au premier chef. Je pense par exemple aux standards industriels. L'Union internationale des télécommunications est ainsi traversée de débats majeurs sur l'établissement des prochains standards pour internet ou la téléphonie mobile.

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