Intervention de Stéphanie Kochert

Réunion du mercredi 15 février 2023 à 11h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphanie Kochert, rapporteure :

Le Sénat, saisi en première instance du projet de loi que nous examinons, l'a adopté le 25 janvier 2023.

La CDNI, qui est entrée en vigueur en 2009, compte six États parties : la France, l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suisse. Elle s'applique à l'ensemble du Rhin, ainsi qu'à d'autres voies de navigation intérieure : en France, il faut ajouter la Moselle, la Meuse et les canaux du Nord. Le texte prévoit une interdiction générale de déversement et de rejet des déchets survenant à bord et des parties de cargaison. Il s'agit de prévenir la production de déchets et de les diriger vers des stations de réception, tout en appliquant le principe du pollueur-payeur et en instaurant un contrôle par la puissance publique du respect de ces interdictions.

L'amendement soumis à notre approbation a été élaboré entre 2014 et 2017. Il répond à un objectif précis : intégrer au texte initial des dispositions relatives aux rejets dans l'atmosphère liés à la navigation. En effet, de nombreux composés organiques volatils, tels que le benzène ou l'acétone, sont transportés sur les voies de navigation rhénane. Or une partie des cargaisons subsiste dans les citernes après le déchargement des marchandises, sous la forme de vapeurs. Les bateaux doivent alors faire l'objet d'un dégazage : il s'agit d'une opération qui permet l'évacuation de ces vapeurs et le nettoyage des bateaux, indispensable pour permettre le transport de nouvelles marchandises. Lorsque le dégazage est effectué à l'air libre plutôt que dans une station de réception, les gaz contenus dans les citernes sont libérés directement dans l'atmosphère.

En intégrant les vapeurs dans la catégorie des déchets, dont la gestion est encadrée, et en définissant des seuils au-delà desquels le dégazage à l'air libre sera interdit, la convention modifiée répondra à un double objectif de protection de l'environnement et de santé publique. Il est estimé que trois ans après l'entrée en vigueur de l'amendement, les émissions de vapeurs nocives dans l'atmosphère du fait de la navigation à cale citerne auront baissé de 95 %.

L'impact de cette modification sera modeste pour notre pays, tant pour les acteurs publics que pour les acteurs privés. D'une part, car nous disposons déjà de capacités suffisantes de dégazage pour répondre aux besoins suscités par la convention amendée ; ces opérations seront réalisées par des entreprises qui sont déjà en activité. D'autre part, parce que l'essentiel du transport de cargaisons liquides dans le territoire national ne sera pas concerné par les nouvelles obligations de dégazage, compte tenu de la nature des produits transportés.

Du point de vue juridique, la convention modifiée sera complémentaire du droit français, dont elle pourra renforcer l'application. Ainsi, le code de l'environnement prévoit des sanctions en cas d'émission de « substances polluantes constitutives d'une pollution atmosphérique », dont font partie les vapeurs de cargaison liquide, mais celles-ci ne s'appliquent que si l'émission a des conséquences préjudiciables. Or la CDNI amendée définit des seuils à partir desquels le dégazage dans l'atmosphère est interdit et qui pourront être utilisés comme repères.

Bien que l'amendement ait des conséquences réduites sur le territoire et les acteurs nationaux, son approbation permettra à la France d'honorer ses engagements au sein de la CDNI, laquelle dispose d'un système de gouvernance propre, où les représentants de la France rencontrent deux fois par an ceux des autres États parties. En l'espèce, la modification du texte de 2009 a été demandée par les Pays-Bas, bien plus touchés que notre pays par les rejets de déchets gazeux.

En outre, le Rhin a pu faire office dans le passé de laboratoire juridique, en donnant lieu à l'élaboration de règlementations qui ont ensuite été étendues à l'ensemble de l'Europe fluviale. Créée par le congrès de Vienne de 1815, la commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR), plus ancienne organisation internationale au monde à être toujours en activité, a ainsi fait figure de pionnière en matière de droit fluvial : elle a par exemple inspiré la création de la commission de la Moselle en 1956. La CCNR, dont le siège est situé à Strasbourg, au Palais du Rhin, est le pilier d'un cadre de coopération rhénan dense, au sein duquel s'inscrit la CDNI ; le secrétariat de la convention a d'ailleurs été confié à la commission.

Il n'existe pas à ce jour de règlementation unifiée au niveau rhénan, ni au niveau européen, sur la gestion des vapeurs polluantes, bien que l'Union européenne ait conçu des instruments normatifs tels que l'accord européen relatif au transport international des marchandises dangereuses par voies de navigation intérieure, dit ADN, pour répondre au problème de la libération des substances toxiques dans l'atmosphère. Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires mène une réflexion pour étendre le périmètre de la CDNI à l'ensemble du territoire français, afin de disposer d'un cadre harmonisé pour la gestion des déchets provenant de la navigation. L'enrichissement de la convention permettra de mieux protéger l'environnement et la santé publique, au-delà des voies de navigation rhénanes.

À l'heure où le transport fluvial a été identifié comme un vecteur majeur de transition écologique et où notre pays bénéficie d'importantes réserves capacitaires non exploitées, l'harmonisation du droit est un outil de premier plan pour favoriser son développement en France et en Europe. Pour rappel, 175 millions d'euros ont été alloués au développement du transport fluvial dans le cadre du plan de relance, et des engagements pour la croissance verte du secteur fluvial ont été signés le 6 juillet 2021 avec les professionnels. À l'horizon de 2030, l'ouverture du canal Seine-Nord permettra de relier le bassin versant de la Seine au réseau fluvial du Nord de la France et du Benelux.

La coopération entre États riverains du Rhin constitue un autre enjeu essentiel. Le Rhin, qui s'étend sur 1 230 kilomètres, de la Suisse à son embouchure en mer du Nord, est particulièrement exposé à l'amplification du phénomène naturel des basses eaux, qui limite les possibilités de navigation et fragilise l'activité des professionnels. Dans ce contexte, la commission centrale pour la navigation du Rhin constitue un forum de discussion majeur entre acteurs publics et privés sur le phénomène et les outils pour essayer d'y répondre. La commission s'est par ailleurs dotée d'une feuille de route visant à mettre fin aux émissions de gaz à effet de serre et d'autres polluants atmosphériques du secteur imputables à la navigation intérieure d'ici à 2050. L'objectif fait écho au renforcement de la CDNI, par l'approbation de l'amendement.

Je vous invite donc à adopter le projet de loi, afin que la nouvelle version de la convention entre en vigueur dans les meilleurs délais.

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