Intervention de Jean-François Coulomme

Séance en hémicycle du mercredi 8 mars 2023 à 15h00
Régime juridique des actions de groupe — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-François Coulomme :

L'action de groupe se définit comme une action en justice, exercée par une association ou une entité assimilée, pour le compte d'un ensemble de personnes physiques ou morales victimes de dommages de même nature causés par un même auteur en raison d'un manquement de ce dernier à ses obligations légales ou contractuelles.

Dans l'exposé des motifs de la proposition de loi, vous rappelez combien le dispositif existant est inefficace. En effet, seules trente-deux actions de groupes ont été exercées depuis 2014, dont vingt dans le domaine de la consommation – seules six d'entre elles ont eu un résultat positif.

Il est incontestable qu'il faut renforcer l'efficacité des actions de groupe et en étendre le cadre légal. Pour cela, vous proposez d'unifier les textes existants au sein d'un nouveau titre dans le code civil. Vous proposez que la réparation puisse porter sur l'intégralité du préjudice et que la qualité pour agir soit étendue à un certain nombre d'associations. Pour lever une partie des obstacles financiers au développement des actions de groupe, vous proposez que les charges du procès, qui incombent au demandeur, soient allégées. Nous ne pouvons qu'être favorables à ces dispositions qui permettront de faciliter le recours à l'action de groupe.

Mais, aussi nécessaires soient-elles, ces propositions sont insuffisantes, peu ambitieuses et manqueraient d'efficacité si un certain nombre d'amendements ne venaient à être adoptés. La volonté sincère de défendre l'intérêt général doit venir enrichir ce dispositif, sans quoi il continuera d'être inefficace, rarement utilisé et avec des résultats peu concluants.

À ce stade de l'examen, le dispositif retenu semble bien en deçà de ce qu'attendent les victimes et les associations qui les défendent. En effet, après avoir fixé à cinquante personnes le nombre minimal de plaignants, vous avez reculé en portant le seuil à cent personnes – quand nous voulions qu'il soit abaissé à vingt personnes.

En ce qui concerne l'aspect financier, il est nécessaire d'attribuer des moyens à cette procédure coûteuse si on veut lui donner une réalité effective. C'est ce qu'a rappelé la Défenseure des droits dans son rapport, dont nous reprendrons plusieurs recommandations dans nos amendements.

L'action de groupe est un outil de réappropriation démocratique de l'institution judiciaire, qui permet aux citoyens de sortir de leur individualité en se regroupant pour dénoncer des problématiques systémiques. Il s'agit donc d'un levier important au sein d'une République des droits individuels et collectifs.

Plusieurs de nos amendements visent à rendre ce dispositif plus efficace. Nous voulons abaisser à vingt personnes le seuil du nombre de victimes ayant qualité pour agir, ou du moins revenir au seuil initial de cinquante personnes.

Nous souhaitons privilégier la spécialisation des magistrats et non des juridictions car avec des magistrats répartis sur l'ensemble du territoire, l'égal accès au service public de la justice, en tout point de la République, sera mieux garanti.

Nous voulons aussi réintroduire, après leur suppression en commission, les mesures de publicité, dès le déclenchement de la procédure, afin d'assurer l'audience la plus large auprès des victimes potentielles.

Il nous paraît également nécessaire de supprimer le frein à l'amende civile que constitue la preuve préalable de faute délibérée de l'auteur. Cette disposition, introduite en commission, rendra impossible la poursuite des infractions dans les domaines de l'environnement et des discriminations, où la faute délibérée est trop difficile à caractériser. Elle rendra ainsi inopérant le recours aux actions de groupe.

Comme l'a demandé la Défenseure des droits, il faut assurer un meilleur financement des procédures. Nous pourrions prévoir, notamment, que les astreintes prononcées en cas de non-respect des mesures visant à faire cesser les manquements soient liquidées au profit des demandeurs et non du Trésor public.

Enfin, nous aurions aimé qu'en ce 8 mars, journée internationale des droits des femmes, une loi sur l'action de groupe permette aux femmes du pays, constituées en association de victimes, à se pourvoir en justice contre ce gouvernement et sa contre-réforme des retraites, qui rend la maltraitance sociale systémique en discriminant la moitié féminine de la population…

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