Intervention de Erwan Balanant

Séance en hémicycle du jeudi 2 mars 2023 à 9h00
Lutte contre la récidive — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwan Balanant :

Vous l'avez dit, madame la rapporteure, le sujet est sérieux. Il est question en premier lieu de la récidive légale et de la triple peine qu'elle provoque : peine pour les victimes, qui se trouvent ou se retrouvent confrontées à de la violence ; peine pour l'auteur, qui tombe dans la spirale infernale de la délinquance ; peine pour la société, qui fait le constat de son échec, puisqu'elle n'est pas parvenue à réinsérer un individu.

Soyez rassurée, madame la rapporteure, le groupe Démocrate estime comme vous qu'il est primordial de lutter contre la récidive. La politique pénale conduite ces dernières années en témoigne. La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire ont toutes deux visé à mieux préparer la sortie de prison et à favoriser l'insertion. Nous devons continuer dans cette voie. Tel sera le cas avec la loi de programmation de la justice issue des états généraux qui se sont tenus au printemps dernier.

Toutefois, le groupe Démocrate en est convaincu, la solution que vous proposez n'est pas la bonne. Notre histoire en est le témoin. En rejetant le droit de grâce et en instaurant le système des peines fixes, les révolutionnaires avaient souhaité rompre avec l'absolue liberté des parlements de l'Ancien Régime. La détermination légale de la peine et le rôle réduit accordé au juge étaient synonymes de rempart contre l'arbitraire. Heureusement, l'individualisation judiciaire, longtemps redoutée, est désormais réhabilitée.

La peine minimale, aussi appelée peine plancher, va à l'encontre de ce mouvement d'individualisation judiciaire. Plus encore, il va à l'encontre d'un principe fondamental de notre droit : l'individualisation des peines. Peu importe que la peine minimale soit introduite dans le cas particulier du mépris de l'autorité. Il n'en demeure pas moins que la sanction sera fondée sur l'acte constitutif de l'infraction lui-même, à l'exclusion des éléments contextuels et circonstanciels qui l'entourent. Certes, la possibilité de déroger à la peine plancher restera ouverte, mais elle portera fortement atteinte au principe que j'ai rappelé.

La discrétion de l'autorité judiciaire ne peut pas être encadrée de la sorte par le pouvoir législatif. Si je n'oublie pas la décision rendue en 2007 par les sages de la rue Montpensier, je constate l'évolution de la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel, qui montre un changement de paradigme et s'inscrit dans la lignée des jurisprudences de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l'homme. Ainsi, par une décision du 2 mars 2018, le Conseil constitutionnel a indiqué que le principe de l'individualisation des peines imposait « la motivation des jugements et arrêts de condamnation, pour la culpabilité comme pour la peine ». Cette réforme prétorienne est révélatrice de ce mouvement d'individualisation des peines. Dès lors, les sages pourraient invalider votre dispositif.

Au-delà de cet obstacle constitutionnel, il est nécessaire de rappeler le bilan plus que mitigé des peines planchers, qui a conduit, rappelons-le, à leur abrogation en 2014.

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