Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du mercredi 1er mars 2023 à 21h30
Politique du médicament et pénuries

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Tout le monde, je crois, est assez convaincu de l'existence d'une pénurie de médicaments. Dans ce type de situations, certains chiffres sont cités, mais on ne prend véritablement conscience du problème que lorsqu'on est soi-même touché. Il y a quelque temps, j'ai dû me rendre dans je ne sais combien de pharmacies franciliennes pour trouver un médicament contre l'asthme que j'utilise quotidiennement. Je me suis alors aperçu que d'autres étaient dans la même situation et recherchaient, qui des antibiotiques pour enfants, qui du paracétamol, etc. Cet état de fait se traduit dans les chiffres, puisqu'on a recensé 3 500 médicaments en rupture de stock alors qu'on en dénombrait 89 en 2010.

Tout cela a été abondamment décrit et a un lien avec la souveraineté en matière pharmaceutique : 80 % de la production des principes actifs ont été délocalisés en Asie depuis trente ans ; mais je sais également, ce qui m'étonne, que des laboratoires qui fabriquent des médicaments en France préfèrent les exporter parce qu'ils en tirent de meilleurs prix à l'étranger. Or je dois dire que les réponses que vous avez jusqu'à présent données sur le sujet ne me satisfont pas et me font plutôt penser que vous appliquez des rustines à défaut de remettre en cause le système lui-même – lequel pose problème.

Je pense à la réponse que vous venez de nous donner et que vous aviez déjà faite lors d'une conférence de presse : selon vous, si les laboratoires exportent pour vendre plus cher leurs produits, nous n'avons qu'à laisser les prix de ces produits augmenter en France ; ce qui peut paraître étrange quand, dans le même temps, vous évoquez la soutenabilité financière dudit système. Laisser les prix augmenter, ce n'est pas terrible pour la sécurité sociale, surtout quand on sait que la marge dégagée alimente la rente capitaliste des laboratoires.

C'est le sens de ma question : le système peut-il encore supporter le fait que ces laboratoires ne travaillent pas seulement pour l'intérêt général mais pour la rente de leurs actionnaires ? D'autant qu'ils bénéficient d'aides publiques comme le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ou le crédit d'impôt recherche, sans oublier l'aide publique principale qu'est la sécurité sociale grâce à laquelle ils profitent d'une demande sécurisée, captive – ce qui est étrange pour une industrie censée fonctionner selon les principes du marché. Ne croyez-vous donc pas qu'il faille rompre pour de bon avec ce système et créer un pôle public du médicament, qui permettrait d'échapper à ces travers ?

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