Intervention de Matthias Tavel

Séance en hémicycle du mercredi 1er mars 2023 à 21h30
Politique du médicament et pénuries

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMatthias Tavel :

Qu'avez-vous fait ? Rien ! Pire, depuis que vous gouvernez, les pénuries s'aggravent. En 2022, l'approvisionnement en 3 500 médicaments essentiels a fait l'objet de tensions ou a connu des ruptures. C'est cinq fois plus qu'à l'arrivée au pouvoir de M. Macron. Les causes sont connues : concentration de la production de l'industrie pharmaceutique sur les médicaments les plus juteux financièrement – tant pis pour les pauvres et les maladies non rentables, condamnés à une pénurie sociale ; concentration de la production des génériques ensuite, laissée aux laboratoires qui daignent se partager ce marché moins lucratif – 40 % de ces médicaments sont produits par deux laboratoires seulement dans le monde, une situation que même M. Bruno Le Maire qualifiait d'« irresponsable et déraisonnable » il y a déjà trois ans ; concentration géographique enfin, quand 80 % des matières actives à usage pharmaceutique sont fabriquées hors de l'Union européenne, à cause des délocalisations.

Ce système coupable porte un nom : le capitalisme et la marchandisation de la santé, c'est-à-dire de la vie elle-même. Ainsi, en 2022, Pfizer a annoncé l'arrêt de sa production d'isoprénaline, médicament utilisé en réanimation pour certaines urgences vitales et pour lequel il n'existe pas de possibilité de substitution. En 2016 déjà, Sanofi arrêtait la production du BCG, utilisé contre le cancer de la vessie et la tuberculose, alors qu'il en était le principal producteur en France. Depuis, l'entreprise a réalisé 50 milliards d'euros de profits !

Cet hiver, les tensions concernent des anticancéreux, des insulines, des anticoagulants utilisés lors des accidents vasculaires cérébraux (AVC). Votre inaction est donc coupable, car les conséquences de ces pénuries sont très concrètes. Un Français sur quatre a déjà été privé de médicaments et un sur huit contraint de reporter son traitement, voire d'y renoncer. La directrice de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé alerte sur des risques de perte de chance pour les patients. Avez-vous conscience qu'il s'agit, à demi-mot, de morts ? En assumez-vous la responsabilité politique ?

Avec cynisme, Emmanuel Macron déclarait le 12 mars 2020, « ce que révèle cette pandémie, c'est qu'il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. […] Nous devons en reprendre le contrôle […]. Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture en ce sens. ». C'était il y a trois ans.

Qu'avez-vous fait depuis ? Rien, ou si peu. Vous avez refusé de réquisitionner l'entreprise Luxfer qui, avant sa fermeture, était la seule en Europe à fabriquer des bouteilles d'oxygène médical. Vous avez laissé Sanofi supprimer la moitié de ses effectifs de recherche en France en dix ans alors que dans le même temps, il recevait 1,5 milliard d'euros de CIR. Vous avez organisé la pénurie mondiale de vaccins contre le covid pour les pays pauvres, en refusant la levée des brevets que nous demandions. Vous avez préféré garantir à Pfizer, BioNTech et Moderna leurs 1 000 dollars de profits par seconde.

Vous avez ainsi préféré exposer l'humanité,…

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