Intervention de Thierry Frappé

Séance en hémicycle du mercredi 1er mars 2023 à 21h30
Politique du médicament et pénuries

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Frappé :

Amoxicilline, sérum physiologique, Trulicity, Tresiba, NovoRapid, bétaméthasone : ces noms peu évocateurs pour vous font partie de la liste des médicaments actuellement en rupture sur notre territoire. Le problème concerne des insulines, des antibiotiques, des corticoïdes, et j'en passe.

Il y a trois ans, Marine Le Pen interrogeait la ministre de la santé de l'époque, Mme Buzyn, sur les pénuries de médicaments. Quelle ironie de retrouver ce soir le même débat ! Depuis 2020, avec l'épidémie de covid-19, notre système d'approvisionnement en médicaments et dispositifs médicaux connaît de nombreuses défaillances. Lorsque Marine Le Pen dénonçait cette situation, elle a été accusée d'isolationnisme. Vous avez déplacé à l'échelon européen, voire mondial, la stratégie de production pharmaceutique. Quel succès !

Selon le syndicat des entreprises du médicament, le Leem, notre pays se situe aujourd'hui à la cinquième place pour la production pharmaceutique en Europe, derrière la Suisse, l'Italie, l'Allemagne et Le Royaume-Uni. À nouveau, quel succès !

Vous allez une fois de plus prétendre que nous entretenons un climat de peur. Soyez responsables de vos choix ! L'ANSM estime à environ 3 000 le nombre de signalements de ruptures et tensions sur l'approvisionnement en 2022. Il n'y en avait que 405 en 2016. Les choix politiques d'hier ont organisé la vulnérabilité sanitaire et industrielle d'aujourd'hui en laissant notre puissance industrielle pharmaceutique se délocaliser dans des pays extra-européens sans anticiper la possibilité de pénurie ni la nécessité de favoriser la recherche. Comment peut-on encore dépendre à près de 80 % de la Chine et de l'Inde pour la production des principes actifs ? Comment notre pays, fleuron de l'industrie pharmaceutique mondiale, est-il passé à la cinquième place, derrière l'Italie ? L'instauration des projets de loi de financement de la sécurité sociale en France (PLFSS) a détruit le tissu industriel. Ces textes ont imposé une vision annuelle du financement de notre système de santé, selon une logique purement comptable, sans considérations industrielles, avec deux conséquences : le manque d'attractivité et le désinvestissement public du soutien à la production nationale.

La question de la santé ne peut être laissée aux comptables. Il faut un cap, un objectif, une stratégie – en somme, une volonté politique. Or le PLFSS pour 2023, sur lequel vous avez empêché le débat, retient une vision purement comptable du secteur, en prélevant 800 millions d'euros aux industriels, alors qu'à la faveur de la crise du covid, le Gouvernement prônait la relocalisation. Quel succès !

Vous conviendrez que pour rendre un secteur attractif et compétitif, nous avons connu de meilleures stratégies. Pendant ce temps-là, vous proposez un plan de préparation au risque épidémique hivernal et un Plan blanc médicament. Vous parlez de plan quand nous, nous parlons de stratégie. Nous souhaitons retrouver la souveraineté industrielle et ce n'est pas être antieuropéen que de proposer cela, puisque nos voisins le font.

Cette réindustrialisation doit être pilotée par l'État pour permettre au marché national d'être attractif et compétitif, en proposant une loi de programmation de santé pluriannualisant le PLFSS pour donner une vision de long terme aux industriels ; en diminuant le nombre d'interlocuteurs entre les industriels et les administrations ; en ajustant les prix tant en Europe qu'en France ; en simplifiant les démarches pour les médicaments innovants ; en relançant la recherche clinique ; en ajoutant à l'ANSM un organisme interministériel de coordination ; enfin, en donnant au ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, plutôt qu'à celui de la santé et de la prévention, la responsabilité industrielle des produits de santé. Il faut relancer les industries de santé dans notre pays. Cette politique doit être centrale pour la santé de nos concitoyens. Il faut agir, et maintenant !

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