Intervention de Laurent Guillot

Réunion du jeudi 9 février 2023 à 10h00
Commission des affaires sociales

Laurent Guillot, directeur général du groupe Orpea :

Je partage complètement l'intervention à propos du temps nécessaire pour les soignants, qui est parfois source involontaire de leur part de maltraitance. L'un des premiers points est bien d'améliorer le taux d'encadrement. Je pense que votre aide collective est bienvenue en la matière. Notre travail consistera ensuite à former, trouver et embaucher.

En ce qui concerne les conditions de travail, j'ai été choqué par les taux de fréquence d'accidents avec arrêt dans ce secteur. Dans l'industrie, ces taux de fréquence sont autour de 0,5 à 1 % et leur dépassement fait l'objet d'attention. Dans le secteur du soin, il est encore plus important d'être en sécurité. Or les taux de fréquence des accidents avec arrêt varient entre 40 et 50 %. Un directeur santé sécurité vient de rejoindre notre équipe. Nous sommes en train de mettre en place des programmes, qui concernent le port des chaussures, les gants, les petits équipements, les porte-charge, etc. Il s'agit d'un travail gigantesque, qui prend plusieurs années mais qu'il faut engager pour nos collaborateurs. Notre premier devoir vis-à-vis de nos collaborateurs est qu'ils rentrent chez eux en bonne santé le soir.

Nous travaillons également sur la rémunération et la fidélisation. La mutuelle proposée n'est pas au niveau. Beaucoup de chantiers concernent donc également l'aspect financier. Nous avons enfin prévu un budget supplémentaire de 16 millions d'euros de formation pour l'année à venir, ce qui est tout à fait significatif.

S'agissant des objectifs financiers, nos ambitions dans le cadre du plan de refondation que j'ai proposé sont bien moindres que par le passé. Cela montre que notre œil n'est pas rivé sur l'indicateur de rentabilité mais plutôt sur les événements indésirables graves (EIG), que je surveille toutes les semaines, le taux d'encadrement et la rotation du personnel. Nous restons une entreprise à but lucratif mais je suis persuadé que nous pouvons être à la fois une entreprise du secteur lucratif et bien faire son travail. Telle est mon ambition.

Le plan d'action a largement été conçu avec nos collègues en interne mais également avec les remontées reçues lors des états généraux qui se sont étalés du printemps à l'automne 2022. Nous avons récolté plus de 1 700 pages de documents, d'informations et de commentaires, parfois extrêmement touchants, à propos notamment de la difficulté des collègues à ne pas être maltraitants compte tenu des moyens à leur disposition. Ce plan de refondation s'inspire largement des discussions que nous avons eues avec eux. Il a été communiqué, des objectifs lui sont assignés et il continuera à faire l'objet de communications régulières.

Je suis le premier à regretter la densité financière des communiqués de presse au moment de l'annonce du projet avec la Caisse des dépôts et consignations. Je suis néanmoins obligé de fournir ces indications au marché. Le plan de refondation présenté le 15 novembre dernier comprend seulement une vingtaine de pages à propos des éléments financiers et 100 à 150 pages au sujet du soin et des collaborateurs. Ceux-ci constituent la priorité première car ce sont eux qui réalisent le travail au quotidien auprès des patients et des résidents et qui sont les vrais responsables de la continuité de l'entreprise.

L'entreprise ne dépend pas de l'Agence des participations de l'État, mais de la Caisse des dépôts et consignations. Celle-ci sera évidemment représentée au conseil, comme la MAIF et la MACSF. C'est devant ce conseil que nous présenterons régulièrement la stratégie. Encore une fois, l'objectif de profitabilité est bien moindre que par le passé. La priorité tient aux collègues et aux résidents avant tout. Le premier de mes objectifs financiers personnels, c'est-à-dire mon bonus, porte à 40 % sur le bien-être et les résidents, à 30 % sur des objectifs généraux qualitatifs liés à la mise en place du plan d'action et à 30 % sur le niveau financier. Nous avons logiquement rééquilibré les objectifs de l'entreprise, au profit des patients et des résidents.

Le dialogue social beaucoup plus intense a conduit, pour la première fois, à des NAO abouties, avec des augmentations de salaire, la mise en place d'un treizième mois et une réflexion engagée sur les mutuelles. Nous remettons l'entreprise dans une démarche normale. Le progrès incrémental pourra venir ensuite mais nous en sommes à recréer les basiques. Nous faisons tout notre possible pour aller le plus vite possible. Nous avons amélioré le ratio d'encadrement de 10 %. Nous n'avons pas d'infirmières de nuit toutes les nuits mais un système d'astreinte dans les établissements. Il s'agit d'un point extrêmement important.

Nous avons redonné beaucoup d'autonomie aux établissements, qui peuvent désormais embaucher et engager des dépenses de réparation. Historiquement, les embauches étaient soumises à l'approbation du siège. Les établissements peuvent désormais le faire directement, ils le doivent même car c'est localement que les ressources peuvent être trouvées. En ce qui concerne les VAE, nous allons proposer en 2023 1 000 formations aux auxiliaires de vie souhaitant devenir aides-soignants.

La culture change mais très lentement. Il est très difficile, lorsque vous avez été habitué à recevoir des ordres et à vivre dans une culture de la peur, de changer du jour au lendemain. Nous y travaillons avec les équipes. Je leur fais confiance mais il faut qu'elles saisissent cette opportunité et je les appelle à le faire à chaque fois que je les rencontre.

Nous augmentons en effet nos tarifs. L'inflation à laquelle tout le secteur fait face, y compris le public et l'associatif, est de l'ordre de 9 à 10 %. L'inflation sur les salaires est normale, compte tenu de leur faible niveau et de l'impact de l'inflation alimentaire et énergétique sur nos personnels. L'inflation de la nourriture et de l'énergie nous touche également, même si le bouclier énergétique nous permet d'absorber une partie de cette augmentation. In fine, l'inflation globale est très importante, autour de 9 à 10 %. Je comprends totalement les Ehpad publics et associatifs, qui sont dans une situation réellement complexe. Nous faisons face à la même situation et devons donc augmenter nos tarifs, dans des proportions qui sont parfois difficiles. J'en suis parfaitement conscient.

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