Intervention de Jean-Noël Barrot

Réunion du mardi 14 février 2023 à 17h10
Délégation aux droits des enfants

Jean-Noël Barrot, ministre délégué :

Madame Caroline Janvier, la question des algorithmes est évidemment centrale. Le parti qui a été pris dans le cadre du règlement européen sur les services numériques est, tout d'abord, d'instaurer de la transparence concernant les algorithmes, en les faisant auditer – en tout cas ceux des principales plateformes – par des organismes extérieurs et indépendants, et en ouvrant les données à des chercheurs. Il faudra veiller à la bonne application de cette mesure qui était attendue. Par ailleurs, le règlement impose aux plateformes de proposer des algorithmes non fondés sur l'utilisation des données personnelles. De tels algorithmes existent déjà dans certains cas, mais ils restent très difficiles d'accès : si vous voulez activer, sur un réseau social, un algorithme n'utilisant pas vos données personnelles, c'est-à-dire votre graphe social ou encore la comptabilisation des secondes que vous passez sur les vidéos, dans le cas de TikTok, par exemple, il faut en général chercher longtemps. Il faudra, là aussi, veiller à ce que cette option soit vraiment mise en avant et facile d'accès. Le dernier point est l'interdiction de la publicité ciblée sur les mineurs, qui conduira peut-être les plateformes à être spontanément plus enclines à développer des espaces plus sécurisés, puisque la guerre pour la captation de l'attention des enfants sera désormais moins rentable. Bien que je le souhaite vivement, je ne suis pas certain à 100 % que ces mesures suffiront pour aller jusqu'au bout du chemin. Nous devrons rester très vigilants durant la phase de mise en application du règlement qui s'ouvre.

Une des grandes questions qui se posent, comme l'a notamment souligné Mme Caroline Parmentier, est de savoir jusqu'à quel point il faut renforcer et accompagner l'exercice de l'autorité parentale et, au contraire, à partir de quel moment il faut en déposséder ses détenteurs, en procédant par interdiction. C'est un sujet très délicat. Les données scientifiques s'accumulent, comme Caroline Janvier l'a rappelé, mais nous faisons face à un phénomène relativement nouveau. S'il existe un consensus scientifique total, dans tous les pays, sur l'idée qu'il est sain d'interdire à tout enfant, quand bien même ses parents seraient d'accord, de consommer de l'alcool et du tabac, la question reste posée pour ce qui est des écrans et de l'accès aux réseaux sociaux et à d'autres services numériques. C'est dans le cadre du débat démocratique qu'il convient donc de trancher.

Si vous n'avez pas encore identifié le site jeprotegemonenfant.gouv.fr comme le lieu où on peut trouver un guide concernant le contrôle parental et des outils pour accompagner les enfants en ligne, alors que vous êtes membre de cette délégation, c'est que nous n'avons pas encore suffisamment bien fait connaître cet outil et que notre mission n'est pas encore tout à fait menée à bien. Je vous invite tous à nous faire part de vos critiques, constructives, au sujet de jeprotegemonenfant.gouv.fr. L'idée est de n'avoir qu'un point de référence unique pour les parents.

Je viens d'évoquer, madame Alexandra Martin, la tension entre l'idée qu'il faudrait, dans certains cas, une dépossession de l'autorité parentale et la nécessité, par ailleurs, de renforcer celle-ci afin d'accompagner les parents dans la protection de leurs enfants. La loi dite Studer, que vous avez évoquée, a permis de commencer à encadrer le phénomène des enfants influenceurs. Le Parlement aura à en redébattre puisque Bruno Studer a déposé une nouvelle proposition de loi qui tend à modifier le code civil pour souligner la responsabilité des parents sans les pénaliser excessivement, ce qui nous rappelle une proposition de loi que vous aviez déposée, madame Maud Petit, il y a quelques années à propos des violences éducatives ordinaires. Ce texte avait modifié le code civil, moins dans une logique de sanction à l'égard des parents que de responsabilisation. Le débat qui aura lieu dans quelques semaines au Parlement sera peut-être l'occasion de renforcer la loi Studer sur certains points, en particulier le droit à l'oubli, si la représentation nationale juge que ce droit n'est pas pleinement respecté.

Madame Karine Lebon, l'inclusion numérique passe d'abord par la connectivité, l'accès de toutes et tous aux réseaux de télécommunication. Nous continuons donc de veiller au bon déploiement de deux programmes. Le premier, qui est le plan France très haut débit, lancé il y a dix ans, vise à déployer la fibre sur l'ensemble du territoire national, dans l'Hexagone et en outre-mer. Dans ce domaine qui ne relève pas tout à fait de la délégation aux droits des enfants mais auquel nous sommes très attentifs, nous sommes évidemment à votre écoute. Le New Deal mobile, qui continue à être déployé dans chacune de vos circonscriptions, a par ailleurs vocation à effacer des zones blanches grâce à un accord, intervenu il y a cinq ans, entre les opérateurs et l'État, selon lequel l'accès aux fréquences était prolongé à condition que les opérateurs prennent des engagements concernant l'effacement des zones blanches. Sur les 5 000 concernées, 2 000 ont déjà été effacées, et nous verrons à l'issue du New Deal mobile s'il reste encore des zones à couvrir.

Une fois qu'on est connecté, encore faut-il être à l'aise avec le numérique. Vous avez ainsi fait état des chiffres de l'illectronisme à La Réunion. Afin de combattre ce phénomène dans tous les territoires de France, pour toutes les tranches d'âge – les personnes âgées sont particulièrement concernées, certes, mais la jeunesse, en particulier celle défavorisée, peut savoir se servir de WhatsApp ou de jeux vidéo tout en étant totalement démunie lorsqu'il s'agit de faire un mail ou de remplir un questionnaire en ligne. La politique, très neuve, de l'inclusion numérique repose sur les 4 000 conseillers numériques qui ont été recrutés et déployés en 2021 dans l'ensemble du territoire, auprès des collectivités, des chambres d'agriculture, des centres communaux d'action sociale (CCAS) et des maisons France Services. Nous devons désormais pérenniser cette politique et la structurer au niveau des bassins de vie, pour que chacun puisse identifier dans tous les territoires qui est le chef de file de cette politique, un peu dispersée entre tous les acteurs qui s'en occupent, de la secrétaire de mairie, laquelle participe à l'inclusion numérique, au département, lorsqu'il a créé un syndicat numérique, en passant par Emmaüs Connect.

Le 3018 est également disponible par chat et par mail, selon les horaires français.

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