Intervention de Anne Lauseig

Séance en hémicycle du lundi 27 février 2023 à 16h00
Réforme des retraites et pénibilité

Anne Lauseig, présidente du collectif national La Force invisible des aides à domicile :

Je vous remercie pour votre invitation. Je suis un peu intimidée, car je n'ai pas l'habitude d'intervenir dans un lieu comme l'Assemblée nationale.

Présidente du collectif national La Force invisible des aides à domicile, je ne suis pas aide-soignante, comme vous l'avez dit, mais assistante de vie – on peut aussi dire auxiliaire de vie ou aide à domicile, car ce métier vital à la cohésion sociale a plusieurs appellations. Les professionnels de ce métier du « prendre soin », qui ne laisse pas de place à la robotique, sont à 95 % des femmes ; 40 % ont moins de 30 ans et 60 % plus de 50 ans.

Nous comptons 70 % de contrats de travail à temps partiel, subi ou choisi. Le taux de précarité – précarité de l'emploi, mais aussi précarité financière, alimentaire ou en matière de logement – est de 17,5 %, et le salaire moyen inférieur à 1 000 euros.

Le métier d'assistant de vie implique deux types de pénibilité : d'une part, la pénibilité physique, d'autre part, les risques psycho-sociaux (RPS).

Tout d'abord, nous sommes le secteur d'activité le plus exposé aux accidents du travail, devant le bâtiment et les travaux publics (BTP).

Pas moins de 53 % des accidents sont dus à la manutention manuelle : en effet, notre métier implique de déplacer des êtres humains – pour les transférer du lit au fauteuil, par exemple, ou pour faire leur toilette –, mais également de porter des charges lourdes, car il faut parfois monter des courses au sixième étage sans ascenseur, ou encore lever un matelas ou déplacer les meubles pour faire le ménage. Or, lorsque nous devons lever une personne, par exemple, c'est à la force de nos bras, qu'elle pèse quarante ou quatre-vingts kilos. En effet, s'il existe du matériel adapté, il n'est bien souvent pas présent au domicile, où il n'est pas obligatoire : il est parfois refusé par la personne aidée ou sa famille, et, s'il est prévu, nous ne sommes pas toujours formés à son utilisation.

Parmi les accidents du travail, on compte également 35 % de chutes, soit lors des déplacements au domicile des personnes aidées – chutes de vélo ou de trottinette, par exemple –, soit en cas de chute des bénéficiaires des soins, car nous nous mettons alors en première ligne pour leur éviter autant de blessures que possible.

Par ailleurs, la charge mentale et émotionnelle est très importante. Nous allons de domicile en domicile et faisons face chaque fois à une pathologie différente. Or, certaines entraînent de l'agressivité, ou une détresse psychologique pouvant aller jusqu'à la souffrance psychique.

Parfois, nous accompagnons des personnes en fin de vie – un cas que j'ai moi-même connu. Lorsque l'on arrive, on ne sait pas que le bénéficiaire des soins est en fin de vie, et c'est une situation qui peut être d'autant plus violente émotionnellement que nous sommes aussi en première ligne face aux réactions de la famille. Après avoir accompagné la personne jusqu'à son dernier souffle, nous accompagnons parfois ensuite la famille elle-même dans les démarches administratives. Or, nous ne sommes pas formés à l'accompagnement de la fin de vie et des soins palliatifs, qui doit être adapté pour convenir à la fois à la personne aidée et à l'aidant : dans ces derniers instants, l'aidant aussi a besoin d'être accompagné.

Pour conclure, les métiers du maintien à domicile sont centrés sur l'humain, et leur pénibilité est énorme : nous sommes les précaires d'aujourd'hui, mais aussi ceux de demain. À 50 ans, le corps d'une auxiliaire de vie est déjà fatigué : si l'âge légal de départ à la retraite est repoussé à 64 ans, il ne suivra pas.

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