Intervention de Nicolas Lerner

Réunion du mercredi 25 janvier 2023 à 14h35
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire ayant conduit à l'assassinat d'un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d'arles

Nicolas Lerner, directeur général de la sécurité intérieure :

Votre question diffère de celles de M. le rapporteur et de Mme la députée, qui portaient sur les liens de Franck Elong Abé à l'extérieur ; c'est à quoi j'ai répondu. Au cours des différentes phases de sa détention, il entretient des relations avec une dizaine de détenus, dont celui que vous citez. Les éléments en ma connaissance laissent penser qu'ils se sont fréquentés avant le transfert de Franck Elong Abé à Arles, qu'ils sont restés en contact ensuite – même si je ne sais pas de quand sont datées les lettres retrouvées – et que Franck Elong Abé a été en contact avec quelques autres détenus terroristes.

Je n'ai pas assisté aux auditions de l'ancienne directrice d'établissement, mais je me permets, madame la députée, de relativiser l'appréciation que vous avez portée sur le « gouffre » qui séparerait le portrait qu'elle a dressé de Franck Elong Abé devant vous et ce que je vous en ai dit moi-même. Je ne sais pas non plus ce que vous a dit le SNRP, mais les échanges avec ce service que j'ai en ma possession montrent que le profil radicalisé, violent et prosélyte de Franck Elong Abé était connu de l'administration pénitentiaire. C'est ainsi que le caractérise la DGSI, et que l'administration pénitentiaire puisse le considérer comme un doux personnage me semblerait en contradiction complète avec son comportement pendant ses dix années de détention, sa violence, la prise d'otage dont il s'est rendu coupable, les incendies de cellule…

Qu'attend la DGSI du SNRP ? Je vous l'ai dit, un individu ayant le profil de Franck Elong Abé représente une menace directe en détention. Puisqu'il est incarcéré, le chef de file au quotidien est le SNRP, qui exerce sa mission de maintien de l'ordre en détention. La DGSI apporte son concours lorsque, comme cela se produit parfois, nous avons connaissance par des sources extérieures, des proches par exemple, qu'une personne peut représenter un danger. Le rôle de la DGSI est de déterminer si l'individu est en lien avec l'extérieur en vue de commettre une action violente. Je pense vous avoir répondu en vous disant qu'à ma connaissance M. Elong Abé n'avait pas de relations au sein de la mouvance islamiste au titre de ses relations avec l'extérieur. Pour la DGSI, il ne représentait pas une menace pour l'extérieur pendant sa détention. En revanche, je vous l'ai dit aussi, la perspective de sa sortie commençait à nous préoccuper et cela justifiait des échanges réguliers avec le SNRP.

J'en viens au statut de Franck Elong Abé. Les sources d'un service de renseignement sont de quatre ordres : le renseignement technique, la coopération internationale, la source ouverte – on trouve beaucoup de choses sur Internet – et le renseignement humain. La DGSI, comme tout service de renseignement dans le monde, recueille du renseignement humain. Chacun a conscience qu'une personne qui accepte de parler à un service de renseignement s'expose à des risques. La règle intangible, dans le monde entier, est que jamais un service de renseignement ne confirmera ni n'infirmera le statut d'une personne. Il en va de la protection de nos sources et de la relation de confiance que nous avons avec elles.

Néanmoins, au cas d'espèce, on parle d'un individu, radicalisé, susceptible de passer à l'acte pas forcément terroriste mais violent, qui agresse répétitivement des surveillants pénitentiaires et dont l'instabilité psychiatrique et psychologique est marquée, soit un profil vraiment très, très, très, très éloigné de ceux auxquels nous sommes susceptibles de nous intéresser. Je ne réponds donc pas à la question, mais j'y réponds quand même en vous disant qu'il ne présente rigoureusement aucune des caractéristiques qui pourraient nous conduire à imaginer le recruter.

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