Intervention de Sandrine Rousseau

Réunion du jeudi 26 janvier 2023 à 16h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Rousseau :

Cette réforme n'a pas de sens. Pas de sens économique : le système de retraite est globalement résilient à l'absorption des baby-boomers, a dit l'Observatoire français des conjonctures économiques. Il n'y a pas d'envolée des dépenses, dit le COR, tout au plus un ajustement à réaliser sur les recettes du système de retraite, ce qui n'a rien de surprenant après les années que nous venons de passer, où les aides aux entreprises – 157 milliards hors covid-19 – ont représenté un tiers du budget de l'État.

La réforme n'a pas non plus de sens social : deux ans de plus pour tout le monde, punition collective ! Que vous ayez travaillé longtemps, de manière pénible ou hachée, ou au contraire que vous fassiez partie des mieux lotis du système de l'emploi, pas de détail ! On voit bien vos éléments de langage comme votre cynisme : vous ne parlez plus de pénibilité mais d'usure professionnelle ; le problème, ce ne sont pas les métiers ni les conditions d'emploi, mais les corps... Vous allez nous rebattre les oreilles avec la retraite minimale à 1 200 euros, présentée comme l'avancée sociale de cette réforme. Sauf qu'il s'agit, comme l'a précisé Olivier Véran, de 1 200 euros bruts et que finalement, cette mesure ne concernera que quarante-huit personnes ! Quarante-huit !

La réforme n'a pas plus de sens écologique. Produisez ! Tel est le seul objet de ce projet – et si produire nous envoie dans le mur climatique, pas de problème ! Dans Effondrement, Jared Diamond se demande quelles étaient les pensées de celui qui a coupé le dernier arbre de l'île de Pâques. Et vous, monsieur Dussopt, quelles sont vos pensées au moment de défendre cette réforme ? D'où vient votre empressement à servir un système mortifère de croissance et de productivisme à l'heure où nos conditions de vie sont en danger ? Vous nous avez vendu les cols roulés ; c'est maintenant qu'il faut être écologiste !

La retraite est une récompense, un dû légitime et juste pour ceux qui ont cotisé. C'est un droit, un revenu différé, quelque chose mis sagement de côté pour pouvoir un jour en jouir. C'est de cela qu'il s'agit : empêcher les gens de jouir, de profiter de ce qui leur appartient – un droit au repos, à la sérénité, à la paresse, durement acquis. Pourquoi donc faites-vous cette réforme non nécessaire ? Si vous avez besoin de marges budgétaires supplémentaires, pourquoi vous obstinez-vous à réduire les dépenses sur le dos des travailleurs et des retraités, plutôt que d'aller chercher des recettes supplémentaires ?

Par ailleurs, quand un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale visant à augmenter corrélativement le budget de la sécurité sociale sera-t-il présenté ? Rappelons que lorsqu'on augmente d'un an l'âge de la retraite, les dépenses de santé augmentent à hauteur d'un tiers des économies réalisées sur le système de retraite. Un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale est donc nécessaire pour payer les invalidités, les maladies professionnelles et autres.

Prévoyez-vous une augmentation corrélative de la durée d'indemnisation de l'assurance chômage pour les personnes proches de la retraite, sans emploi, qui voient leur temps de précarité augmenter de deux ans ?

Quelles seront les conséquences écologiques de la réforme ? Comment pouvez-vous nous dire que le productivisme n'aura aucun effet sur nos émissions de carbone, le climat et l'environnement ?

À combien estimez-vous l'écart de niveau de vie des retraités avant et après la réforme ?

Allez-vous établir de nouveaux critères de pénibilité ? les femmes de ménage, exposées aux produits chimiques et cancérigènes, ou les ouvriers soumis à des vibrations, par exemple de marteaux-piqueurs, ne bénéficient pas des dispositions existant en la matière !

Enfin, pouvez-vous nous dire concrètement en quoi la situation des femmes et des personnes ayant eu une carrière hachée sera améliorée par votre réforme ? Car oui, les premières victimes de votre projet seront les personnes discriminées sur le marché du travail.

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