Intervention de Arthur Delaporte

Réunion du jeudi 26 janvier 2023 à 16h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArthur Delaporte :

« La concertation que vous avez promise apparaît pour ce qu'elle est : un simulacre destiné à faire croire que vous avez d'autres priorités que celles que vous souffle le Medef et un mépris pour les propositions faites par les autres partenaires sociaux, que vous recevez finalement sans les écouter ni les entendre. Par ailleurs, cette volonté de reculer l'âge de la retraite est doublement injuste. » Ces mots, vous les connaissez, monsieur le ministre. Ils sont ceux d'un homme de gauche, d'un élu qui ne négociait pas avec la droite dure, d'un socialiste qui s'identifiait aux principes et aux valeurs de la justice sociale.

« Injuste » aviez-vous dit il y a treize ans : comment ne pas faire le parallèle avec la situation actuelle ? Votre réforme est injuste pour les carrières longues, pour les femmes, pour les séniors, pour les métiers pénibles, pour les carrières hachées, pour les jeunes, pour les plus précaires, pour les accidentés de la vie, pour tous ceux, surtout des femmes encore, qui sont les moins diplômés, qui ont les plus bas salaires, qui devront travailler plus longtemps pour vous permettre d'appliquer votre politique libérale. Votre projet est injuste pour ces Français, ces essentiels, ceux que nous applaudissions tous il y a peu, dont les corps sont abîmés et que vous allez user davantage. Il est injuste pour le secteur de la dépendance que vous allez saturer un peu plus, et pour les caisses d'allocations familiales que vous allez inonder de nouveaux dossiers de RSA après avoir réduit les droits à l'assurance chômage.

« Quand aujourd'hui on est peu qualifié, quand on vit dans une région qui est en difficulté industrielle, quand on est soi-même en difficulté, quand on a une carrière fracturée, bon courage déjà pour arriver à 62 ans. » Si vous n'écoutez pas l'homme que vous étiez il y a treize ans, monsieur le ministre, écoutez au moins le Président de la République qui, il y a trois ans, prononçait ces mots, et renoncez à votre réforme ! Vous n'avez de cesse de répéter que votre projet rétablit un maximum d'égalité alors qu'en réalité il est destructeur et vide de tout élément de justice. J'observe, en passant, qu'aucun orateur du groupe Horizons – l'une des composantes de votre majorité – ne s'exprimera cet après-midi pour soutenir le texte.

Nous démontrerons ce déni de justice. Vous affirmez avoir constamment à l'esprit le sort des plus fragiles mais vos mots creux n'occulteront pas la réalité que subissent les Français dans leur chair. La tentative d'hypnose à laquelle nous avons assisté tout à l'heure n'a pas fonctionné.

Je regrette l'instrumentalisation de certains sujets comme celui des TUC. Le report de l'âge de départ à la retraite pèsera sur la génération des TUC. Ces jeunes travailleurs des année 1980, aujourd'hui aux portes de la retraite, vont certes se voir reconnaître quelques trimestres qui leur sont dus, mais ils devront, en contrepartie, les passer à travailler. J'aurais aimé une réforme spécifique aux TUC ; cela n'aurait été que justice.

Votre réforme est l'aboutissement d'un projet d'affaiblissement de la protection sociale au profit d'une dérégulation sans limite et d'une négation du réel. Vous niez que repousser l'âge de départ en retraite pour les métiers difficiles, c'est alourdir la dette de la dépendance et faire payer aux Français vos réformes inutiles. Vous niez la réalité budgétaire. Vous évoquez le COR à longueur de discours ; pourtant, son président affirmait, jeudi dernier, que les dépenses de retraite ne dérapent pas, qu'elles sont relativement maîtrisées dans la plupart des hypothèses et devraient plutôt diminuer à terme. Mais vous préférez, dans votre négation, faire payer aux salariés votre politique injuste.

Comme vous le disiez en 2010, votre réforme « écarte d'emblée la recherche d'autres recettes, notamment la mise à contribution de l'ensemble des revenus et en particulier de ceux issus du capital. Entre les niches fiscales et le bouclier du même nom, beaucoup pourrait être fait pour que l'effort ne porte pas une fois de plus sur les seuls salariés. » De fait, votre réforme porte uniquement sur les salariés.

Je terminerai avec une de ces vies que vous allez briser. Nadine, née en avril 1963, a cotisé pendant 168 trimestres. Elle est assistante de direction et souhaite quitter la région parisienne, notamment pour s'occuper de sa mère handicapée. Elle devait partir en retraite le 1er octobre prochain mais, en raison de votre réforme, elle devra travailler deux ans de plus. Elles sont des millions dans son cas. Des millions de Français sont dans la rue. Ils nous regardent ; ils vous regardent. Soyez responsable, raisonnable : renoncez à ce projet.

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