Intervention de Hervé Saulignac

Réunion du mercredi 1er février 2023 à 9h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Saulignac :

Chers collègues, vous connaissez la position du Groupe socialistes et apparentés sur la proposition de loi de notre collègue Cécile Untermaier.

Un jour sur deux ou presque, la presse fait état d'un nouveau féminicide. Ce décompte macabre et insupportable ne doit pas être une fatalité. Pourtant, parmi les 146 femmes tuées en 2019, seules 2 bénéficiaient d'une ordonnance de protection. Dans la majorité des cas ou presque, la victime avait déjà subi des violences et 63 % d'entre elles les avaient signalées aux forces de l'ordre.

Malgré les lois qui se succèdent, les résultats sont mauvais. La comparaison avec nos voisins fait mal : l'Espagne délivre ainsi dix-sept fois plus d'ordonnances de protection que la France, soit plus de 28 000 contre 1 600 environ, en 2018. Force est de constater que ce choix a porté ses fruits : en Espagne, la proportion des victimes tuées par leur conjoint, qui avaient précédemment porté plainte contre leur agresseur, est passée de 75 % en 2009 à 20 % en 2019.

Le risque de violence après la séparation augmente : dès 2003, il a été démontré que c'est à ce moment-là que les violences commençaient pour 17 % des femmes Et pour celles qui ont eu des enfants avec l'ex-conjoint violent, neuf sur dix subissent des agressions verbales ou physiques.

Comme le rappelle le juge Édouard Durand, de la Ciivise, protéger, c'est anticiper le risque. C'est l'objet de l'ordonnance de protection. Cette proposition de loi vise donc à mieux protéger les victimes de violences conjugales, en favorisant la délivrance de ces ordonnances, pour une durée plus longue.

Le critère de double conditionnalité est souvent dénoncé comme trop contraignant et, surtout, de nature à nourrir l'idée qu'il existe une violence sans danger. Cette appréciation du danger consécutif à des violences alléguées entraîne souvent des rejets de demandes et des interprétations complexes pour le juge, qui finissent par limiter l'octroi d'ordonnances de protection. Nous estimons que le danger est, en quelque sorte, consubstantiel aux violences. Dès que des actes de violence sont allégués, le danger est probable, sans qu'il soit nécessaire de le démontrer. Distinguer violence avec danger et violence sans danger revient à les hiérarchiser et à minimiser le risque.

J'entends celles et ceux qui craignent une instrumentalisation de l'ordonnance de protection. Gageons qu'il vaut mieux un peu trop protéger que de ne pas protéger du tout. Nous sommes loin, très loin, de courir le risque de délivrance d'ordonnances à la chaîne. Du reste, comme le dispose l'article 515-11 du code civil, l'ordonnance de protection est délivrée à l'issue d'un débat contradictoire.

Nous souhaitons donc revenir sur cette double conditionnalité en supprimant la notion de danger, pour que l'ordonnance de protection soit délivrée dès lors qu'il y a des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblable la commission de faits de violence allégués.

Enfin, nous proposons de faire passer la durée de protection de six à douze mois, pour mieux protéger dans le temps.

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