Intervention de Ludovic Mendes

Réunion du mercredi 1er février 2023 à 9h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLudovic Mendes :

Notre assemblée, et singulièrement la commission des lois, a déjà contribué aux avancées en matière de protection des victimes de violences conjugales et intrafamiliales. Je pense notamment aux textes adoptés dans le contexte du Grenelle des violences conjugales, en 2019 et en 2020, à l'initiative de notre collègue Aurélien Pradié et de notre groupe. Ou encore, plus récemment, à la proposition de loi créant une aide universelle d'urgence, adoptée à l'occasion du nouveau temps transpartisan. Je remercie Cécile Untermaier de présenter, en cohérence avec ces travaux, cette proposition de loi visant à renforcer l'ordonnance de protection.

Depuis son introduction dans notre arsenal juridique, en 2010, l'ordonnance de protection a connu une nette montée en puissance à partir de 2017, sous l'impulsion du législateur et du Gouvernement. Nous avons décorrélé explicitement la délivrance de l'ordonnance de protection et le dépôt de plainte ; fixé un délai de délivrance de six jours au lieu des quarante-deux habituellement constatés ; complété et renforcé les mesures que le JAF peut prononcer dans le cadre de l'ordonnance de protection ; introduit une obligation pour le juge de recueillir les observations des parties sur chacune des mesures disponibles, afin que de nouvelles demandes puissent émerger.

En somme, nous avons substantiellement renforcé cet outil, indispensable pour répondre à l'urgence de la situation. Le rapport d'évaluation de nos collègues Guillaume Vuilletet et Aurélien Pradié est, à cet égard, éclairant, comme le sont les chiffres. Alors que les analyses de 2019 mettaient en lumière un recours insuffisant à l'ordonnance de protection, le nombre de demandes a augmenté de 73,4 % entre 2018 et 2021. Le taux d'acceptation est passé de 61,8 à 66,7 %, indiquant une hausse importante du nombre d'ordonnances de protection délivrées. Cette dynamique doit être encore renforcée, comme le recommande le Cnop.

La proposition de loi que nous examinons comporte deux articles, dont nous partageons les motivations. S'agissant du second, nous souscrivons au doublement de la durée maximale de protection ; il est de nature à assouplir le dispositif et à alléger la charge de travail des JAF.

Pour ce qui est du premier, nous comprenons la démarche motivant la suppression de la notion de « danger » des conditions de délivrance des ordonnances de protection, et en partageons l'objectif. Les moyens d'y parvenir soulèvent néanmoins, selon nous, un point de vigilance important.

D'abord, nous craignons que le maintien de la seule condition des « violences vraisemblables » ne favorise des effets de bord préjudiciables aux victimes, voire à leurs enfants, par une instrumentalisation de la procédure par le conjoint habituellement violent. Nous ne pouvons prendre ce risque au regard des mesures susceptibles d'être prises dans le cadre de l'ordonnance de protection, en matière d'interdiction de paraître ou d'exercice de l'autorité parentale, par exemple.

Ensuite, nous redoutons une fragilisation juridique, très préjudiciable, du dispositif. En matière civile, tout l'enjeu est de préserver l'équilibre entre la protection des victimes et l'atteinte portée aux libertés individuelles par les mesures prises par le juge civil – des mesures qui reposent sur des faits vraisemblables et non sur une condamnation pénale.

À cet égard, depuis la préconisation formulée par le Cnop, la Cour de cassation a rendu un arrêt reconnaissant la conformité de l'ordonnance de protection au principe de présomption d'innocence par le fait que les mesures prises par le JAF se fondent sur la potentielle dangerosité appréciée à la date de la décision. Le danger constitue donc un élément fort de la constitutionnalité de l'ordonnance de protection.

C'est pourquoi nous proposerons une modification de l'article 1er, qui apportera une nette amélioration par rapport au sens littéral du droit en vigueur, selon lequel le danger et la violence constituent aujourd'hui deux critères séparés. Nous constatons que notre préoccupation est partagée par certains de nos collègues, des groupes Horizons et GDR notamment.

Espérant que cette réserve sera levée, le groupe Renaissance soutiendra avec conviction la proposition de loi.

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