Intervention de Thomas Gomart

Réunion du jeudi 19 janvier 2023 à 15h00
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères – États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées – visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des dirigeants ou des partis politiques français

Thomas Gomart, directeur de l'Institut français des relations internationales (IFRI) :

J'insiste sur un point : si l'IFRI évolue dans un univers ouvert, tel n'est pas le cas de certains de ses pairs à l'étranger. La liberté de pensée, d'action et de déplacement qui est la mienne n'est pas comparable à celle de mes collègues chinois. Nous considérons que nous devons maintenir nos contacts avec tous les pays, quel que soit leur régime politique, mais nous sommes évidemment conscients des différences d'organisation administrative et politique que rencontrent nos collègues.

Je prendrai d'abord l'exemple de la Russie, un pays où j'ai beaucoup voyagé, étudié et noué de solides amitiés – comme en Ukraine, d'ailleurs. Je ne sais pas si les budgets consacrés à la stratégie d'influence russe sont des données publiques, mais ce qui est frappant dans l'organisation du Club Valdaï, c'est son approche très intégrée, du sommet de l'État – puisque le président Poutine est mobilisé à chaque exercice – jusqu'aux réseaux sociaux. Ces opérations de communication politique, que je qualifierais de grand style, s'appuient sur la présence du président russe, qui conclut chacun des sommets avec un discours très construit élaboré par un premier cercle d'experts russes, qui sera diffusé et traduit dans toutes les grandes langues, et avec la participation d'experts et de journalistes internationaux que l'on essaie d'associer jusqu'à un certain point. À chaque fois, on a l'impression d'une hyperconcentration du temps, lors de la prise de parole présidentielle, puis d'une dissémination de ce discours pour atteindre non seulement une cible russe, mais également une cible mondiale très segmentée – ce sont notamment les leaders d'opinion qui sont visés. Cette organisation a été, de mon point de vue, relativement efficace.

Je lis que la stratégie d'influence chinoise est très intégrée, mais il suffit de comparer les fils Twitter des ambassades russe et chinoise en France pour percevoir les différences de style et d'approche entre les deux pays.

Avant le Brexit, les Britanniques ont plutôt appuyé leur stratégie sur une marque pays, la Cool Britannia. Il s'agissait en quelque sorte d'une stratégie de rayonnement, à la différence des deux autres exemples que je viens d'évoquer.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion