Intervention de Hubert Julien-Laferrière

Séance en hémicycle du mercredi 1er février 2023 à 15h00
Accords sur le partage de l'information maritime et sur la coordination des opérations en mer dans l'océan indien occidental — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHubert Julien-Laferrière :

Tout d'abord, je tiens à remercier la rapporteure Sabrina Sebaihi pour son travail, et pour son engagement en faveur de la région de l'océan Indien depuis le début de son mandat, d'autant plus que cette région est confrontée à des défis permanents en matière de sécurité, de commerce et de gestion des ressources marines, et qu'elle mérite donc tout notre intérêt. Elle est, nous en sommes de plus en plus conscients, concurrencée chaque jour davantage par les puissances mondiales, en raison notamment de l'expansion de la présence chinoise à Djibouti, au Kenya et aux Comores.

Comme l'a rappelé la rapporteure, le programme Mase est le fondement de l'architecture de la sécurité maritime de la région. Depuis 2012, il permet ainsi aux États riverains de surveiller le respect du droit international de la mer dans l'océan Indien occidental. Et parmi les cinq volets de ce programme, deux sont placés sous la responsabilité administrative de la Commission de l'océan Indien, principale structure de coopération dans la zone.

Plusieurs collègues en particulier de la NUPES ou du groupe pilote, cela a été rappelé, ont vivement protesté contre ce qui semblait un refus d'intégrer Mayotte dans la COI, la seule organisation régionale africaine dont la France soit membre, et c'est pour moi l'occasion de remercier ma collègue Estelle Youssouffa dont nous connaissons le profond attachement à la défense de l'archipel, ainsi que le président Bourlanges pour son courrier envoyé à la ministre des affaires étrangères afin que l'on intègre pleinement Mayotte à la COI avant de doter cette dernière de compétences supplémentaires. Madame la secrétaire d'État, vous nous avez rassurés sur ce point, mais nous resterons bien sûr tous vigilants.

Chers collègues, j'appelle à mon tour votre attention sur la question de la pêche et plus précisément sur le fléau de la surpêche, fléau que connaît trop bien cette zone et qui a évidemment des conséquences graves tant sur les écosystèmes marins que sur les moyens de subsistance des populations locales qui dépendent de la pêche. Nous savons qu'il est dû à une exploitation excessive des ressources par les flottes industrielles étrangères qui opèrent sans restriction dans la région.

Les accords que nous nous apprêtons à approuver intègrent la lutte contre les atteintes à l'environnement marin, notamment l'article 6 de l'accord régional sur la coopération des opérations en mer, mais qu'en sera-t-il de leur mise en application ? Elle devra reposer sur une détermination politique forte de la part des États signataires. De plus, bien que ces accords permettent de lutter contre la pêche illégale, on sait bien qu'ils ne résoudront pas le problème global de la surpêche car une grande partie de celle-ci demeure légale.

Disposant de ressources halieutiques importantes, Mayotte est soumise, en raison de la politique de la pêche qui lui est applicable, à des paramètres difficiles à concilier et subit de ce fait de nombreuses tensions. Les pêcheurs mahorais peinent à se constituer en filière et à s'adapter à des réglementations françaises souvent complexes. Ainsi, depuis début 2021, chaque bateau doit avoir à son bord un capitaine de nationalité française. Le résultat, c'est que la pêche locale a lieu dans les mêmes eaux que la pêche industrielle et que les géants thoniers présents dans la région épuisent les stocks d'albacores, déjà surexploités.

De surcroît, un accord entre l'Union européenne et les Seychelles, renouvelé pour six ans en 2022, a autorisé huit navires à pêcher dans les eaux de Mayotte. Les conséquences environnementales de ces véritables aspirateurs de l'océan sont désastreuses et les compensations financières sont utilisées par la France hexagonale – non par le département.

Il est donc impératif de soutenir les pêcheurs locaux mahorais et les communautés côtières en leur fournissant des moyens de subsistance durables et en leur permettant de participer à la gestion des ressources halieutiques ; cela peut inclure la promotion de la pêche artisanale, la création de coopératives de pêche et l'investissement dans des technologies durables. Cet accord de partage de l'information maritime devra également permettre de lutter contre la pêche illégale en localisant de manière transparente les navires utilisés.

La réglementation doit évoluer vers la mise en place de quotas de pêche, vers la création de zones protégées et la surveillance accrue des activités des industriels, et se concrétiser à travers une coopération internationale renforcée afin de garantir le respect des règles. Et une telle coopération ne peut se réaliser sans les populations locales, qui devront prendre part aux concertations et être pleinement intégrées dans les processus décisionnels.

Saisissons à bras-le-corps l'ensemble du problème car il impacte, vous le savez tous, une partie des territoires de France qui parfois se sentent, à juste titre, abandonnés alors qu'ils méritent le même niveau de soutien et d'investissements que le reste du pays. Lutte contre la surpêche, investissements dans les services de base, renforcement de la sécurité de la stabilité et nouvelles opportunités économiques pour les habitants de Mayotte, telles sont les pistes à suivre.

Bien sûr, le groupe écologiste est disponible pour travailler sur l'ensemble de ces pistes et nous voterons en faveur de ces accords.

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