Intervention de Amélia Lakrafi

Séance en hémicycle du mercredi 1er février 2023 à 15h00
Discussion après engagement de la procédure accélérée d'un projet de loi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAmélia Lakrafi :

Je salue le travail effectué par le rapporteur, mon collègue Sylvain Maillard, qui permet d'appréhender de manière complète le contenu et les enjeux de ces deux conventions qu'il nous est demandé d'approuver.

Plusieurs orateurs l'ont rappelé, il existe déjà une convention de coopération judiciaire entre la France et le Sénégal. Toutefois, celle-ci date de 1974 ; conclue il y a quarante-neuf ans, elle n'est plus en mesure de donner totalement satisfaction. En effet, l'environnement géopolitique, les menaces auxquelles nous sommes confrontés, les moyens techniques et les exigences en matière d'efficacité judiciaire ont radicalement évolué.

L'environnement géopolitique, tout d'abord, s'est profondément modifié. Le Sénégal est voisin du Mali et de la vaste zone sahélo-saharienne, dont l'instabilité favorise l'émergence de nombreuses menaces telles que le terrorisme djihadiste et les trafics transfrontaliers. La France sait mieux que d'autres pays les dangers que cela représente. En outre, le Sénégal est souvent considéré comme une plaque tournante du trafic de stupéfiants en direction de l'Europe. Il nous faut également lutter contre les réseaux d'immigration illégale. Cet environnement nouveau – qui comporte des menaces qui n'existaient pas en 1974 – incite à une modernisation de nos outils de coopération judiciaire.

Par ailleurs, de nouvelles formes de criminalité sont apparues et imposent d'adapter notre dispositif de coopération judiciaire. Je l'ai évoqué en commission des affaires étrangères, il s'agit notamment de la cybercriminalité, en particulier des cyberescroqueries pratiquées depuis plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest, y compris le pays de la teranga. La refonte de nos accords de coopération judiciaire permettra de mieux combattre ce fléau, qui connaît une croissance exponentielle.

Les moyens techniques mis à disposition des États pour combattre le crime organisé ont eux aussi évolué. Ces conventions permettront l'utilisation de la visioconférence et les interceptions de télécommunications, qui n'étaient bien entendu pas prévues par la convention de 1974.

Enfin, les exigences des citoyens en matière d'efficacité judiciaire ont évolué. On ne comprendrait plus aujourd'hui que des procédures obsolètes retardent le bon déroulement d'une enquête ou l'extradition d'un criminel. Les deux conventions dont nous discutons permettront de répondre plus rapidement aux demandes formulées par l'un ou l'autre des deux pays.

Certaines voix ont pu émettre des doutes quant à l'opportunité d'autoriser l'entrée en vigueur de ces conventions, compte tenu de l'évolution politique que connaît le Sénégal. Sont en particulier susceptibles de poser problème les demandes d'extradition que pourrait formuler ce pays. Je tiens à le souligner, si la France est attentive à l'évolution démocratique du Sénégal – comme elle l'est pour tous les États avec lesquels elle entretient des relations –, ce pays n'en demeure pas moins un partenaire important, avec lequel elle a un lien privilégié. Les relations culturelles et économiques, les flux d'étudiants, le poids des diasporas et la francophonie sont autant de facteurs qui nous lient à ce pays, qui demeure parmi les États les plus fiables de la région. Cela a été rappelé, l'entrée en vigueur de ces conventions permettra d'approfondir encore notre relation bilatérale.

Ces textes comportent par ailleurs toutes les garanties permettant d'éviter des extraditions pour des motifs politiques ou militaires. À l'instar de M. le ministre, je rappelle que la peine de mort a été abolie au Sénégal il y a près de vingt ans. L'existence d'un magistrat de liaison et la création à Dakar, avec l'appui d'Expertise France, d'un bureau de l'entraide pénale internationale témoignent de toute l'attention que la France accorde et continuera d'accorder au respect, par le Sénégal, des normes internationales dans le domaine judiciaire.

L'action de la France dans plusieurs pays africains est décriée par certains, nourrissant un sentiment antifrançais, y compris au Sénégal. Il nous est ici donné l'occasion d'approfondir notre relation avec un partenaire important, dans une logique de coopération entre États, sur des bases saines et avec des objectifs clairs visant à améliorer le fonctionnement de la justice entre les deux pays ainsi qu'à lutter contre le terrorisme et le crime organisé. Je vous invite donc, chers collègues, à voter en faveur de ce projet de loi.

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