Intervention de Corinne Lepage

Réunion du mardi 10 janvier 2023 à 16h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Corinne Lepage :

Je vous ai répondu sur le lobby en tant que ministre. Je n'ai jamais fait partie d'un parti politique et j'appartenais au gouvernement au titre de la société civile.

Le sujet du nucléaire a effectivement été abordé au Parlement européen. Après Fukushima, j'ai interrogé le commissaire à l'énergie sur ce sujet. Il m'a répondu qu'il serait préférable que je me concentre sur la sécurité des centrales nucléaires en France.

Comme je l'ai indiqué, notre dépendance au Kazakhstan, à l'Ouzbékistan et au Niger est problématique. Nous sommes également dépendants du Canada, dans une moindre mesure.

J'ai répondu assez longuement à monsieur le rapporteur concernant la rente nucléaire et la surcapacité. Cette dernière existait dans les années 1990 et a entraîné la surconsommation de l'électricité en France, avec des problèmes de pointe qui ont coûté très cher à EDF. Notre consommation présentait un risque majeur cet hiver, car nous importons beaucoup. Nous n'avions pas la certitude que nos voisins produiraient assez d'électricité pour nous en vendre alors que leur propre consommation augmentait, même si nous représentons 50 % de la pointe, un taux considérable.

L'histoire de la santé environnementale m'intéresse depuis trente ans. Vous constaterez que mon décret de compétences inclut la santé et l'environnement, ce qui était tout à fait nouveau. J'ai dû réagir sur les sur-cas de leucémie à La Hague, signalés dans l'étude du professeur Viel et confirmés dix ans plus tard par une autre étude dont j'ai oublié l'auteur. Ses conclusions étaient identiques. Une classe d'âge déterminée était particulièrement touchée par les leucémies.

Lors de mon arrivée aux Pays-Bas après l'accident de Tchernobyl, j'ai été accueillie avec d'énormes parapluies, destinés à me protéger de la pluie radioactive. Christian Huglo et moi-même défendions la province de la Hollande et les wateringues sur la pollution du Rhin. On nous a communiqué tous les chiffres d'augmentation de la radioactivité dans les fleuves frontaliers qui n'ont convaincu personne, jusqu'à ce que Corine Lalo, journaliste chez TF1, présente deux salades de part et d'autre de la frontière au journal de 20 heures et interroge sur les raisons pour lesquelles l'une était comestible tandis que l'autre ne l'était pas.

En 1996, j'ai sorti les premiers chiffres sur la radioactivité en France à la suite de Tchernobyl. La même année, nous avons soigné en France 800 enfants ukrainiens ou biélorusses qui souffraient d'un cancer de la thyroïde. Ils repartaient ensuite dans leur pays sans les médicaments nécessaires et j'avais obtenu de la part des laboratoires français 800 médicaments pour un an. Un convoi de la Croix-Rouge qui partait de Notre-Dame a emporté les médicaments pour ces enfants contaminés. Ainsi, la France reconnaissait indirectement l'existence d'un problème. Il est vrai qu'il existe un problème sur les études de santé, mais il dépasse largement le cadre de la commission. François Damerval et moi-même nous sommes rendus à Fukushima City en août 2011 et les mères de famille se plaignaient de l'absence d'étude de suivi de la morbidité.

Enfin, je ne suis pas favorable à l'allègement des normes de sûreté nucléaire, d'autant plus que nos centrales vieillissent. Par ailleurs, il existe des règles communautaires Euratom et Union européenne et un allègement rencontrerait des oppositions, car de nombreuses centrales sont proches de nos voisins : Chooz, avec la Belgique ou encore Bugey, avec la Suisse.

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