Intervention de Corinne Lepage

Réunion du mardi 10 janvier 2023 à 16h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Corinne Lepage :

Tout d'abord, en 1995, la question de la durée de vie des centrales ne se posait pas. La plus vieille avait divergé en 1978, et n'avait pas vingt ans. La question est véritablement abordée pour la première fois dans le rapport de l'OPECST de 1999 – j'avais donc quitté mes fonctions – concernant la rente nucléaire et le renouvellement. Nous pensions à l'avenir et à l'EPR, mais à l'époque, il n'était pas question d'envisager un délai supérieur à trente ans.

La durée de vie de quarante ans est déjà là : la centrale du Bugey date de 1978. Dans le rapport de l'OPECST de 1999, Messieurs Galley et Birraux affirment très clairement que les centrales ont été conçues pour trente ans et à l'époque, c'était effectivement la durée de vie prévue, même si notre dispositif juridique ne prévoit pas de délai de validité des autorisations de centrale nucléaire. Toutefois, des visites décennales doivent avoir lieu ainsi qu'une enquête publique obligatoire au-delà de quarante-cinq ans. D'ailleurs, j'ai cru comprendre qu'il était question de remettre cette disposition en cause.

Les dispositions communautaires de la directive sur la sûreté nucléaire fixent un certain nombre de règles. L'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne soumet le renouvellement des centrales de Doel en Belgique au-delà de quarante ans à une étude d'impact. Il est normal que nos centrales de béton et d'acier vieillissent et, à mon sens, plus l'on attend, plus le risque augmente.

Il est très important que l'ASN ait les moyens d'effectuer son travail convenablement et qu'EDF ait les moyens d'entretenir nos réacteurs. En effet, nous devons posséder des capacités entre le présent et le moment où seront éventuellement mis en place les EPR2, car même si les énergies renouvelables montent en puissance à hauteur de 40 % en 2030, la part de nucléaire reste très significative, à hauteur de 60 %.

En tant que citoyenne, je ne suis pas favorable à un nouveau réacteur, mais je n'assure plus aucune fonction politique et ce n'est pas à moi de décider. Comme je l'ai expliqué un peu plus tôt, ce choix financier et économique me paraît vraiment redoutable. Dans le monde, personne n'atteint un niveau similaire à celui de la France, à hauteur de 70 % d'électricité nucléaire.

Il est rassurant que l'Assemblée se préoccupe de la sobriété, sujet très important. Comment passer de l'efficacité à la sobriété ? Jusqu'à présent, nos efforts d'efficacité n'ont pas fait leurs preuves.

L'Agence française pour la maîtrise de l'énergie (AFME) a été créée dans les années 1970. Des actions ont été menées en 1973, mais la politique adoptée par la suite a été de se montrer riche et prolixe en matière d'électricité, non de se préoccuper de l'efficacité. Ainsi, nos concitoyens découvrent avec stupéfaction le terme de « sobriété ». Or, elle constitue une incontournable et remarquable source de transformation économique et technologique. Il s'agit de vivre différemment, pas moins bien. Ce concept me paraît donc très stimulant.

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