Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du mercredi 18 janvier 2023 à 15h05
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes :

Vos questions témoignent d'un consensus sur l'organisation des Jeux et les préoccupations exprimées. Je ne me prononcerai pas sur les questions d'opportunité politique, qui ne relèvent pas de mon rôle actuel.

S'agissant de la maîtrise de la dimension opérationnelle et des demandes de modification; nous avions en effet recommandé des scénarios de redimensionnement qui n'ont pas été retenus. Par ailleurs, il n'existe pas à ce stade de recensement ni de consolidation de l'ensemble des dépenses engagées, en dehors des participations publiques au budget du COJOP (170 millions d'euros) et à la maquette financière de la Solideo par les départements ministériels et les collectivités locales.

C'est la raison pour laquelle la Cour a recommandé une clarification de la maquette financière de la Solideo, mais également l'identification des dépenses engagées pour l'organisation des Jeux dans le budget de l'État et des collectivités locales.

En matière de financement, nous n'avons pas constaté à ce stade de dérive endogène du coût des Jeux, qui doit être distingué des éléments exogènes tels que l'inflation. Nous constatons également avec vous que le budget prévu a augmenté. Nous ne sommes pas actuellement en état d'établir un coût complet. Faut-il en déduire qu'il y aura un « impôt Jeux olympiques » ? Il me semble prématuré de préjuger cette survenue, le pire n'est pas sûr.

Ensuite, il convient de souligner que des choix politiques ont été effectués, non seulement par ceux qui ont décidé de l'attribution des Jeux, mais également par ceux qui ont défendu cette candidature, qu'il faut maintenir assumer, notamment en termes de coût. La Cour note en particulier l'épuisement des marges de manœuvre et demeure très attentive à l'arrivée de recettes supplémentaires, comme la billetterie et le sponsoring.

Le Stade de France constitue un sujet en soi. En 2018, nous avons réalisé un référé et avons constaté que le concessionnaire n'avait pas été associé aux engagements pris par l'État vis-à-vis du Comité international olympique (CIO) sur la mise à disposition du Stade pour les Jeux. Nous avons donc souligné la nécessité de faire prendre en charge par l'organisateur les pertes d'exploitation associées.

Le programme de modernisation du Stade finalement retenu s'établit à 45,7 millions d'euros, respectant l'enveloppe initiale de 50 millions d'euros. En revanche, un contrat de mise à disposition du Stade de France pour la coupe du monde de rugby a été réalisé ; il répond aux recommandations de la Cour. Le contrat d'utilisation du Stade n'est toujours pas signé en raison de l'échec des discussions sur le marché de livraison des Jeux, qui a conduit le COJOP à reprendre directement la gestion du Stade pendant les Jeux.

Cette négociation doit s'achever, ce qui suppose le règlement des questions que vous avez soulevées, et notamment l'indemnisation des pertes d'exploitation. En tout état de cause, le coût de mise à disposition du Stade de France sera nettement supérieur à celui sur lequel l'État s'était engagé en 2016.

Ensuite, la Cour a alerté dès le printemps dernier sur la question de la sécurité privée et a pris note des dispositions prises, tant par l'État que par le COJOP et la branche de sécurité privée, pour tenter de remédier aux difficultés structurelles de cette branche en France. Nous estimons ainsi prudent de prévoir des scénarios d'adaptation en cas de carence partielle, que nous considérons comme probables. Le précédent des Jeux olympiques de Londres oblige à s'y préparer.

Il existe donc un véritable défi capacitaire pour l'État. La Cour a recommandé de faire monter en charge les réserves opérationnelles de la police nationale et de la gendarmerie, mais également d'anticiper les modalités d'appel aux forces armées. Le plan global de sécurité préparé conjointement par l'État et le COJOP n'est pas encore définitivement stabilisé, mais il doit impérativement être arrêté pour entrer en phase de préparation opérationnelle. De plus, le risque cyber doit également être pris en compte.

Au-delà de la question capacitaire, les enjeux financiers doivent être évoqués. Le jeu des vases communicants – la mobilisation supérieure des forces de sécurité intérieure en raison du déficit capacitaire probable de la sécurité privée – ne doit pas se traduire par une augmentation du coût pour le contribuable. Si nous sommes conduits à appeler des forces de sécurité intérieure, le COJOP doit être en mesure de prendre en charge ce coût.

Le coût global de la sécurité ne peut pas être globalement établi. En raison de ces incertitudes, la Cour appelle à la stabilisation du plan de sécurité, site par site, sous la responsabilité du préfet. Il ne s'agit pas d'un point d'alarme, mais d'un point d'alerte.

La cérémonie d'ouverture représente à elle seule une question spécifique en matière de sécurité. Le choix qui a été effectué et partagé par le Président de la République, la maire de Paris et le Président du CIO est d'ordre politique : cette cérémonie se déroulera sur la Seine. Plusieurs scénarios sont encore sur la table et il n'appartient pas à la Cour de préconiser telle ou telle solution. En revanche, ces scénarios auront des conséquences en termes de mobilisation des forces de sécurité.

Le parcours de la flamme est une source de préoccupation des députés, mais également des sénateurs. Dans ce domaine, la Cour n'est pas compétente pour apprécier les collectivités retenues, ni le sens du parcours. En revanche les chambres régionales des comptes seront conduites à examiner ce point dans le cadre de leur contrôle sur les collectivités locales.

Nous n'avons pas encore creusé la question de la politique de l'héritage. En revanche, il s'agit d'une dimension essentielle de l'acceptabilité des Jeux : la trace qui sera laissée par les Jeux devra être belle, en particulier pour le département de la Seine-Saint-Denis.

Nous souhaitons également une mise en lumière des hiérarchies et partageons avec vous le souci de disposer de tableaux de bord de suivi, même si nous ne disposons que de peu d'éléments pour le moment. Nous effectuerons les approfondissements nécessaires dans les rapports à venir.

S'agissant de l'extension de la dérogation à la commande publique, la Cour rappelle que les contrats passés par le comité d'organisation obligent le COJOP à veiller au respect des grands principes de la commande publique. Nous soulignons que le président du COJOP et ses délégataires sont responsables, sur tous les plans, sans exception.

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