Intervention de Laurent Ridel

Réunion du jeudi 12 janvier 2023 à 9h35
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire ayant conduit à l'assassinat d'un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d'arles

Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire :

Concernant la décision de transférer Franck Elong Abé de Condé-sur-Sarthe à Nantes puis à Arles, je vais vous donner mon expertise pénitentiaire, mais je n'étais pas directeur de l'administration pénitentiaire à l'époque. La décision ne me paraît pas incohérente. Il y avait une situation de blocage à Condé-sur-Sarthe, et une demande du directeur de l'établissement d'exclusion de ce détenu. Au-delà de la motivation officielle, qui peut prêter à discussion, j'estime que les conditions n'étaient pas réunies pour qu'il soit évalué. Franck Elong Abé avait épuisé les possibilités dans d'autres maisons d'arrêt. Il était donc logique de tenter un isolement dans un autre établissement plutôt connu pour le savoir-faire de son personnel dans la prise en charge de détenus dangereux mais fragiles psychologiquement. Cette motivation me parait se tenir. Jusqu'à ce jour dramatique, les personnels d'Arles avaient plutôt mieux réussi à le stabiliser que d'autres.

Les DPS ont les mêmes droits que les autres détenus. En revanche, nous devons avoir une vigilance particulière quand il s'agit d'autoriser l'inscription au travail ou dans une activité d'un DPS. Il faut notamment veiller à ce qu'il n'y ait pas d'autre DPS. À ce moment-là, la maison d'Arles comptait treize DPS ; d'autres établissements en comptent plusieurs dizaines. Le cas évoqué est sans doute rare, mais n'est pas exceptionnel. À ma connaissance, il n'existait pas de signe avant-coureur de rivalité ou d'antipathie entre ces deux détenus.

Je précise que sur 220 détenus DPS, 55 sont classés à un emploi. C'était le cas d'Yvan Colonna, qui bénéficiait d'une liberté de mouvement plus importante justifiée par le comportement que j'ai déjà évoqué. Il était auxiliaire sur les installations sportives depuis 2013 ou 2014, et donnait toute satisfaction.

Ces deux détenus étaient parfois ensemble. Fin décembre, ils avaient participé avec d'autres détenus à un mouvement pacifique contre les restrictions horaires de la salle de sport. Il leur arrivait aussi de pratiquer le sport ensemble. Ce jour-là, Franck Elong Abé n'était pas en salle de sport pour faire du sport, mais pour nettoyer, ce qui n'était pas très logique. Ce point a été corrigé ; des horaires sont maintenant dédiés au nettoyage.

Yvan Colonna entretenait des relations courtoises avec pratiquement tout le monde. Il n'avait pas d'ennemi déclaré, ce qui est assez rare en détention. Le détenu en question avait été convoqué à une audience judiciaire. Yvan Colonna ne nourrissait pas de craintes particulières, ce qu'il aurait exprimé auprès de proches, de détenus, des personnels. Il avait formulé une demande d'aménagement de peine qui était en cours d'instruction, et qui nécessitait qu'il fasse l'objet d'une évaluation. Il devait se rendre le 28 février dans un centre national d'évaluation, mais quelques jours avant le drame, il a renoncé à sa demande d'aménagement, et donc à son évaluation. C'est une conjecture, mais je pense qu'Yvan Colonna ne se sentait pas menacé.

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