Intervention de Laurent Ridel

Réunion du jeudi 12 janvier 2023 à 9h35
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire ayant conduit à l'assassinat d'un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d'arles

Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire :

En 2019, je n'étais pas le directeur de l'administration pénitentiaire. Je n'ai pas connu cette procédure. En revanche, je connais bien le fonctionnement des quartiers d'évaluation de la radicalisation, pour les avoir mis en œuvre, notamment en Île-de-France.

En tant que directeur de l'administration pénitentiaire, j'ai été saisi dans une forme qui ne respectait pas la procédure que j'avais moi-même précisée. Mes services ont été saisis d'une demande d'évaluation en QER de Franck Elong Abé fin janvier 2022. Cette demande a fait l'objet d'une réponse, et devait conduire à une évaluation en QER au printemps.

Concernant les autres demandes, et notamment celle qui émanait de Condé-sur-Sarthe à l'été 2019, la motivation du refus d'admission en QER s'en tient aux avis négatifs des magistrats antiterroristes. Vous avez raison de dire que ces avis ne lient pas l'administration pénitentiaire. Depuis, nous avons clairement reprécisé les choses. Il faudra interroger les personnes qui étaient en responsabilité à l'époque.

D'après mon expérience des détenus terroristes et des QER, je pense que l'évaluation de Franck Elong Abé aurait été extrêmement compliquée, voire impossible, en 2019, et cela pour deux raisons, dont l'une est son niveau de dangerosité. À Condé-sur-Sarthe, son isolement n'a jamais été levé, car il avait provoqué dix à quinze incidents disciplinaires en juillet-août 2019. La deuxième raison est que les QER pratiquent une évaluation pénitentiaire, mais pas une évaluation psychiatrique. M. Elong Abé était pendant cette période en phase de décompensation et de crise psychiatrique, marquée par des tentatives de suicide et de mise à feu des cellules.

Je rappelle que le contexte de 2019 était particulier. Deux attentats ont été commis par des détenus terroristes. Il est compréhensible que le risque n'ait pas été pris, et que l'on ait attendu une forme de retour à l'équilibre en quartier d'isolement avant de pratiquer l'évaluation. Ce ne sont certes pas les motivations qui se lisent dans la décision de l'administration centrale. Je vous livre mon analyse de responsable pénitentiaire de terrain.

La deuxième évaluation est sollicitée en mars 2020, c'est-à-dire au début de la crise du covid, qui a fortement ébranlé l'administration pénitentiaire. M. Elong Abé était arrivé à Arles en octobre 2019 et placé au quartier d'isolement. C'est un détenu difficile, son comportement n'est pas parfait, mais l'on note une amélioration sensible, notamment par rapport à la période de crise dont j'ai parlé. Il est alors prévu de lever l'isolement et de placer Franck Elong Abé dans le quartier spécifique d'intégration, où nous accompagnons les détenus qui sortent d'une période d'isolement relativement longue. Il a donc été décidé de tenter cette prise en charge très rapprochée, ce qui a plutôt fonctionné dans un premier temps, l'isolement ayant été levé dix mois plus tard.

Les deux autres demandes ne sont pas parvenues à l'administration centrale. La quatrième demande, elle, lui est parvenue par mail, ce qui n'est pas conforme à la consigne habituelle, mais elle a tout de même été traitée.

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